Depuis
un certain temps, la scène mauritanienne, particulièrement celle de Nouakchott,
est occupée par des activistes qui se prénomment «Ahbaab Errassoul», un peu pour dire «l’attachement» au Prophète Mohammad (PSL) et s’inscrire dans cette
vague qui a fait suite à la publication d’un article injurieux pour l’Islam en
général. Chaque vendredi, le nouveau groupe organise de grands rassemblements à
Nouakchott et Nouadhibou pour dénoncer la «nonchalance
des autorités», «l’engagement des
avocats à défendre l’auteur»...
Quand
on regarde les principaux animateurs du groupe, on distingue trois catégories
de «leaders». La première la plus
visible est celle que constituent les érudits connus pour leur proximité des
pouvoirs (passés et certainement futurs). Ce que le Shaykh Ould Sidi Yahya
appelle : «Ulamas banava»
(érudits qui se retrouvent autour des tables bien garnies des plus riches et
des plus forts) pour dire combien ceux-là sont au service. Ils drainent avec
eux quelques thieb-thiebas du marché qui ont trouvé dans le look islamiste
(barbe et tache sur le front) une manière de «bien faire» les affaires. Le financement de cette activité est
certainement un investissement dont on attend quelque chose.
La
deuxième frange est celle d’érudits sincères dans leur foi et qui croient
réellement à une «agression mondiale
organisée contre l’Islam». Pour la plupart des Salafistes qui font de la
référence aux textes sacrés dans leurs relectures des préceptes islamiques une
source de légitimité. Ceux de la première catégorie profitent largement de la
bonne foi de ceux-là pour donner crédit à leur action.
Il
y a enfin ceux qui tournent autour pour créer un climat favorable aux pillages,
à la vindicte, aux règlements de compte, à la tension sociale, aux menaces
contre l’ordre… Ce sont des avocats qui veulent régler un compte à leur
confrère accusé de vouloir défendre l’auteur de l’article. Ce sont des vendeurs
de téléphones cherchant à s’attaquer à des concessionnaires de marques (Samsung
par exemple). Ce sont enfin des trafiquants notoires ou des agents connus de
certains services de renseignement dont les responsables cherchent à faire
revenir l’ordre d’hier.
La
conjugaison des efforts des plus entreprenants – notamment ceux de la première
et de la dernière catégorie – ont causé les dérives enregistrées. D’abord l’utilisation
pour régler des comptes personnels et faire obstruction à la loi. Parce qu’en
réclamant l’exécution immédiate de l’auteur, les activistes entendent passer
outre la législation mauritanienne. Ils veulent dépasser et décrédibiliser la
justice de ce pays. Ils passent facilement du statut de manifestants à celui d’inquisiteurs.
Ensuite
le désordre dans les écoles qui a causé un grand émoi dans les milieux
populaires avec notamment l’instauration d’un climat de peur et d’insécurité
qui a commencé à profiter aux voleurs et malfrats de tous bords. Comme il a été
un signe de «démission des autorités».
Enfin,
l’entretien d’un tel climat contribue à détourner l’attention des vrais
problèmes que sont l’éducation, l’économie, la justice sociale, l’égalité, la
citoyenneté, la recomposition du paysage politique…
Ce
matin, D. A., un jeune né en 1993 à Dar Naim, l’une des quatre grandes figures
de ce mouvement «Ahbaab Errassoul», a
été arrêté par la Gendarmerie qui le surveillait pour son rôle dans les
mouvements scolaires. C’est en le fouillant pour chercher une arme blanche qu’il
aurait sur lui, que les Gendarmes découvrent des sachets de drogue. En fait, ce
«grand défenseur de la religion», «amoureux» du Prophète (PSL), fervent
adepte de ses enseignements, le «grand
leader des vendredis de la colère» n’est rien d’autre qu’un «grand» dealer de quartier. Sous l’activisme
qu’il menait, il cachait pernicieusement ses vraies activités. Comme d’autres
cachent une entreprise commerçante, une revanche personnelle, un souci de se
faire une légitimité… Chez nous, la couverture religieuse a toujours servi.