Entre nous, dans un Etat indépendant, un Etat de droit en
construction, il y a une chose qui importe plus que toutes les autres : le
respect des lois et règlements en vigueur. On peut enfreindre ces lois et
règlements par erreur, par méconnaissance, même par incompétence. Mais cela ne
doit jamais rester sans suite. Parce que l’impunité qui découle de l’absence de
responsabilité quand les individus ne sont pas comptables de leurs faits et
gestes, cette impunité est la pire des attitudes pour une Nation.
L’une des raisons qui poussent à l’irrespect des lois et
règlements est bien sûr quand celles-ci ne s’appliquent pas à tout le monde
et/ou comme il faut. Ce sont bien les comportements douteux de nos Juges et
leurs décisions souvent prises sans fondements qui ont détruit la relation de
confiance entre le système judiciaire et le citoyen lambda. Les interférences
nées des interventions publiques des responsables politiques sont aussi un
facteur d’affaiblissement de ce système.
Saint-Thomas d’Aquin disait que «la justice est la disposition par laquelle on donne, d’une perpétuelle
et constante volonté, à chacun son droit». Quand elle réalise cela, elle
prévient toute dérive dans l’application des lois et garantit en même temps
leur respect scrupuleux par le citoyen.
Quelqu’un me disait récemment que la Justice est d’abord «distributive». Dans un Etat, on doit
assurer une juste redistribution des biens communs, un équilibre juste des
pouvoirs des Institutions et une équité relative ou complète du prestige
qu’offre l’exercice du pouvoir.
J’ai toujours cru – je crois encore – que l’une des grandes
valeurs cultivées sous nos cieux est bien l’équité, que l’une des grandes
aspirations de cette société est bien la Justice. Si bien que nous croyons
fermement que tout peut fonder un Etat, une organisation sociale sauf
l’injustice.
La Justice s’accompagne nécessairement d’équité. Elle assure
l’ordre, impose le respect mutuel et décline des valeurs comme la liberté,
l’égalité, le mérite, la responsabilité… C’est bien pour cela qu’elle fonde la
démocratie, ce système qui est fait pour assurer une juste répartition des
pouvoirs et protéger la société de ses dérives totalitaristes.
Dans notre pays, la Justice et l’Equité se perdent. La première
essentiellement à cause de la déconfiture de l’Appareil d’Etat qui a fini par
perdre ses aspects «normatifs» et
universels (valables pour tous). La seconde parce que la société a renoncé à
ses valeurs fondamentales sous le coup d’agressions conjuguées (sécheresses,
mondialisation, flux d’idéologies importées, aliénations de l’élite…).
La bataille doit être celle du recouvrement et de la réhabilitation de la Justice et de
l’Equité. La première nous permettra d’assurer le développement de l’Etat
citoyen, celui où l’égalité est assurée pour tous, où le droit de chacun lui
est donné «naturellement» (cela doit
découler de l’ordre des choses et non de l’interventionnisme), celui où les
biens communs servent à enrichir la communauté et à lui fournir un cadre
adéquat pour son émancipation et son bonheur.
L’Equité nous permettra de nous respecter les uns les autres, de
reconnaitre avec fierté nos différences, de nous accomplir individuellement tout
en œuvrant pour l’accomplissement de la communauté. Une valeur cardinale de la
Mauritanie de départ. D’elle découle l’humilité et le sens de la mesure. On en
est bien loin aujourd’hui.
Les foules emplissent les rues pour appeler à l’application d’une
sentence qu’elles ont elles-mêmes décrétée. L’élite religieuse et/ou militante
fait sienne la colère de la foule. Les syndicats et corporations sont
incapables de réagir. Le désordre qui en nait libère tous les extrémismes qui
mènent fatalement à toutes les dérives obscurantistes qu’elles soient
d’inspiration religieuse ou «laïque»
(le salafisme dans ses aspects takfiristes et l’athéisme dans son rejet du
religieux, prennent finalement la même forme, celle du rouleau-compresseur pour
la liberté).
La bataille actuelle doit consister à débusquer les fascismes,
tous les fascismes, et à les dénoncer là où ils sont.