Une élection comme celle qui vient de se dérouler est une étape
nécessairement cruciale dans le devenir d’une Nation. Avant même que les
résultats officiels et définitifs ne tombent, nous pouvons déjà tirer quelques
leçons.
Concernant la CENI, organe central dans l’opération, il y a lieu de
saluer les efforts accomplis entre le premier et le second tour. Tout le monde,
y compris les opposants les plus aguerris comme le président de Tawaçoul Jemil
Mansour, ont noté avec satisfaction les améliorations évidentes dans l’organisation
des opérations électorales. ce qui laisse espérer que la CENI est viable en
tant qu’appareil chargé d’organiser des élections en Mauritanie.
Concernant la configuration née de ces élections, il faut noter la
réussite de l’UPR lequel a pu, malgré la conjugaison des efforts de ses
détracteurs «d’en haut et d’en bas», s’assurer une majorité confortable
qui le rend libre de tout engagement vis-à-vis de ses pairs. L’UPR n’a plus
besoin de coalition pour faire passer un gouvernement devant l’Assemblée
nationale. Libre à lui d’associer les partis qui le voudront bien et qui
exprimeront ce désir.
En face, Tawaçoul a bien consolidé son rôle de futur leadership de
l’Opposition. Il donnera incontestablement le futur Chef de file de l’Opposition
et aura donc la gestion de l’Institution de l’Opposition démocratique. C’est à
lui maintenant de donner un sens à l’existence d’une telle Institution dont le
Statut correspond à celui de Premier ministre de l’ombre. Il peut entraîner
avec lui les partis Al Wiam, APP et AJD/MR. Soit par des accords politiques
formels, soit par des associations circonstancielles, soit par la prise en
charge des préoccupations des uns et des autres. Un rapprochement entre l’AJD/MR
et Tawaçoul n’est pas à exclure, surtout que le montage de la Communauté
Urbaine peut en être l’occasion.
En effet la bataille suivante est bien celle de la Communauté
Urbaine de Nouakchott (CUN). Les résultats du deuxième tour laissent ouvertes
toutes les possibilités, aucun parti ne pouvant à lui seul prendre le directoire
de la CUN. Il s’agit d’un collège de 37 délégués envoyés par les neuf communes
de Nouakchott. L’UPR qui a gagné les communes de Teyaret, Ksar, Tevraq Zeina et
Riyad, va avoir à nommer 17 délégués. Tawaçoul a 9 délégués avec les communes
de Dar Naim et Arafat. Avec la mairie de Sebkha, l’AJD/MR a 6 délégués et l’APP
en a 5 avec El Mina. Seule une coalition peut permettre le passage de l’un ou l’autre
des partis. Entre l’AJD/MR et Tawaçoul, les négociations sont avancées, mais l’UPR
peut toujours rattraper le temps perdu. Soit trouver un terrain d’entente avec
l’APP, soit avec l’AJD/MR. Mais que peut-il leur donner en échange d’un soutien
à la CUN ? Comme par le passé, on pense au poste d’adjoint, mais est-ce
suffisant aujourd’hui ? Alors on peut envisager une entente qui englobera
un ou plusieurs postes dans le futur gouvernement avec en prime l’association à
la Majorité présidentielle. Le réalisme politique peut l’emporter à l’AJD/MR ou
à l’APP. Sait-on jamais ?
Autre attendu de l’après-élection, la constitution d’un nouveau
gouvernement qui doit obligatoirement suivre dans les jours à venir (juste
après l’expiration des délais légaux pour les contestations).
Dans la perspective de la présidentielle, le Président qui devra
nommer un gouvernement forcément accepté par le Parlement, aura à prendre en
compte les exigences électoralistes. Choisir dans les rangs de ses fidèles,
ceux qui peuvent lui apporter des voix. De nombreux ministres et hauts
responsables actuels ont prouvé leurs insuffisances en la matière.
Il devra aussi réorganiser son dispositif, tout le dispositif, pour
faire face aux défis futurs : réaménager le parti, promouvoir des
compétences techniques capables de capitaliser «les acquis» du mandat
actuel, manœuvrer pour ne pas rester en face d’un seul interlocuteur (Tawaçoul)
qu’il faut craindre pour l’échéance future, trouver de vrais politiques d’ouverture
capables de rectifier le tir en drainant toutes les forces politiques dans ce
qui va suivre.