Qu’est-ce
que vous n’avez pas entendu dire de Nelson Mandela ? Qu’est-ce qui ne peut
pas être dit de bien de cet homme qui appartient à la classe des «Elus»,
de ceux qui ont quelque tendance à l’idéalisation de leurs passages ici-bas ?
Nelson
Mandela est célébré par les «amis de toujours», comme par les «ennemis
de toujours». Les premiers ont toujours cru en une justice à la limite du «naturel»
pour ce qu’elle est d’évidence et de nécessité, une justice reconnaissant à chacun
ses droits à la différence comme découlant d’un ordre naturel. C’est, quand on
se réfère aux dictionnaires, la définition de ce que nous appelons «la
tolérance» dans notre langage de tous les jours. L’abus de langage – et probablement
d’utilisation – a fait perdre au mot sa dimension philosophique de valeur
suprême. C’est pourquoi on oublie de parler de «tolérance» quand on
prend la parole chez nous pour célébrer Nelson Mandela.
La
deuxième valeur suprême oubliée – ou négligée dans les propos – est celle de «l’équité».
C’est le mot qui traduit pour nous la notion de «alinçaav», sans pour
autant réussir à y mettre tout le sens originel. Il va falloir recourir encore
aux dictionnaires pour trouver un concept qui pourrait comprendre en même temps
la justice, l’impartialité, l’égalité, mais aussi la tolérance.
Mais
tout cela ne serait rien sans «l’humilité», valeur cardinale qui permet
à l’homme de rester lui-même. Elle est «modestie» qui interdit la
condescendance et l’arrogance. Elle est «respect» qui oblige à l’écoute
de l’Autre, à la prise en charge de ses préoccupations, au partage de sa
souffrance et à la solidarité avec lui dans son action. Elle est «simplicité»
qui oblige à rester au niveau de la nature humaine, sans prétention de
supériorité, sans mépris…
J’ai
essayé de faire la liste des valeurs chantées par les nôtres – journalistes,
hommes politiques, acteurs de la société civile – pour parler de Nelson Mandela.
Nulle part «l’humilité», «l’équité», «la tolérance» n’ont
été mentionnées. Des notions très peu mises en exergue. Pourtant nos hommes
politiques ont intérêt à méditer : «Pour faire la paix avec un ennemi,
on doit travailler avec cet ennemi, et cet ennemi devient notre associé». Tout
comme ceux qui jouent dans la scène de la société civile : «Etre libre,
ce n’est pas seulement se débarrasser de ses chaînes ; c’est vivre d’une
façon qui respecte et renforce la liberté des autres».
Les autres oubliés sont les compagnons de lutte
de Mandela, les milliers de sud-africains morts pour cette cause de libération,
la solidarité africaine, le déni de solidarité de l’Occident…