A Zouérate, c’est un jeune du nom de Ghazaly qui
enflamme les foules venues soutenir le candidat Cheikh Ould Baya. Ses prestations
sont unanimement appréciées : les mots, la musique, le comportement sur
scène… Chaque soir, ce sont des milliers de voix qui crient ensemble : «Ghazaly !
Ghazaly ! Ghazaly !» Si bien que le présentateur-animateur de
scène est obligé d’appeler Ghazaly sur scène. Un soir, c’est même le candidat
qui reconnait : «Je sais que vous préférez la voix de Ghazaly à la
mienne, c’est pourquoi je ne serai pas long…»
Partout en Mauritanie, c’est le rap qui refait
surface après avoir été une musique de sous-terrain (social). Partout la
musique est à l’honneur pendant cette campagne électorale. Comme si on se
rendait compte que la musique est finalement le moteur de la mobilisation
politique. La joie de vivre prend ainsi sa revanche. L’espace d’une campagne
électorale. Autant dire l’espace d’un rien : juste quinze jours pour
chaque élection. Cela fait quatre ans donc qu’on n’a pas eu cette occasion.
Même les Islamistes n’ont pas pu résister. Les chansons
qu’ils proposent sont de vieilles reprises des rythmes de «Shawr» connu
comme «maa nansa wunti laa tansaay» ou encore les petites compositions contemporaines
de jeunes chanteurs sans talents et pourtant appréciés par un public qui a
perdu le goût de la complexité musicale.
Mais malgré l’engouement général, il n’y a pas eu
de composition de valeur. Juste des rythmiques sans originalité accompagnant
des mots mille fois ressassés. A peine des paraphrases de tout ce qu’on a déjà
entendu à des occasions pareilles. Des paraphrases de mauvaise qualité qui n’ont
aucune valeur littéraire ou linguistique.
C’est bien parce que le récepteur du message n’est
plus attentif à sa qualité que son émetteur ne fait preuve d’aucune recherche,
d’aucune créativité. Il crée juste à la demande et la demande est bien
celle-là. Le grand mal de notre société est juste la qualité de la demande. Sur
tous les plans. Pas seulement la musique.
Cela vaut aussi pour les programmes politiques et
sociaux, pour l’éducation, pour la locution… tout est au rabais dans cette
société en décadence. Même les symboliques des candidats on manque d’imagination :
une vache noire, une blanche, un taureau, une vache, un chameau, une chamelle,
une tente noire, une tente blanche… tout pour faire confusion. On peut dire que
certains des candidats comptent justement sur cette confusion pour avoir des
voix.
La guerre que nous menons à la musique et à la
joie en général, fait que le produit qui nous est servi ces jours-ci est à
mettre sur le compte du bruit et non de la musique.