L’école que
fréquente l’une de mes filles a décidé de séparer garçons et filles. Désormais,
les filles ont une cour à part et une porte par laquelle elles doivent entre et
sortir. Sans avoir à côtoyer les garçons. Bien sûr que l’administration a
réservé la cour la plus grande et la porte la plus large aux garçons. Même les
salles réservées aux filles sont moins grandes. Elles sont désormais à l’étroit.
Cela peut détériorer les conditions générales d’enseignement car l’administration
et les enseignants pourraient être portés à ne pas accorder l’importance qui
sied aux classes des filles. Nous sommes dans un pays où la chape de plomb de l’obscurantisme
s’étale de jour en jour.
J’ai demandé à
quelqu’un de l’administration de l’école en question, on m’a expliqué que c’est
par «souci de respecter les normes de la
Chari’a». Ma question était alors : «qu’est-ce qu’il y a de nouveau dans la Chari’a qui dicte la séparation
de sexe dans les classes ?»
A mon avis, nos
pères étaient sans doute plus pieux que nous, meilleurs connaisseurs des
préceptes religieux, plus respectueux des us et coutumes, plus conservateurs
des valeurs originelles…, pourtant ils n’ont jamais remis en cause la mixité
dans les espaces publics (ou ce qui en tenait lieu). Alors qu’est-ce qu’il ya ?
Rien sinon la volonté de certains d’imposer des règles venues d’ailleurs pour
se conformer à des préceptes très discutables
et qui nous font revenir en arrière.
Grave le fait d’institutionnaliser
ses «reculs» dans les relectures des
enseignements qui ont toujours été les nôtres. Grave quand on essaye de les «officialiser». A l’école publique, on a
mis fin à la mixité dès les années 90 : le résultat d’une lutte acharnée
menée par quelques «clients» du
Centre de prêche et de prédication qui a été un moule pour cette pensée u(i)nique
et rétrograde. Maintenant la «révolution»
arrive dans le privé…
Mais l’on oublie
que le mal de l’éducation ne situe pas à ce niveau, mais bien à celui du
contenu dispensé et de la manière avec laquelle il est dispensé. Et, comme sur
d’autres plans, on s’attache à quelques détails «mécaniques» ou «physiques»
en tout cas élémentaires pour oublier l’essentiel. Le théâtral au lieu du
fondamental.
La vision de la femme comme «source de tentation et de perdition» mène nécessairement à des excès
que nous devons dénoncer pendant qu’il est temps. L’autre soir, une parente à
moi a été empêchée de quitter l’aéroport parce qu’elle avait son fils de sept
mois avec elle et qu’elle n’avait pas d’«autorisation
parentale». En fait sans l’autorisation du père – pas de la mère, du père
seulement -, aucun enfant ne peut quitter le territoire mauritanien. Qu’est-ce
que cette loi qui ignore les droits de la mère, le rôle de la mère dans le
devenir de l’enfant ? à sept mois, un enfant a d’abord besoin de sa mère,
pas de son père. Alors pourquoi on interdit à une mère d’amener son enfant sans
avoir l’autorisation écrite du père ? Scandaleux parce que cela découle d’une
démarche qui met en doute la moralité de la femme et en cause son rôle dans l’accomplissement
de l’individu. Autre expression du mépris que nourrissent certaines sociétés
vis-à-vis de la femme. Pas la nôtre. Il s’agit là d’un comportement et d’une
perception importés. Comme tout.