Depuis
quelques jours, «on» tente de relancer le dialogue entre la Majorité et
l’Opposition radicale. Celle qui demandait jusqu’à récemment la démission du
Président Ould Abdel Aziz et son départ pur et simple du pouvoir.
Chaque
camp a désigné ses représentants et les pourparlers doivent commencer
incessamment. Mais que peut-on attendre de ce face-à-face ?
Rien.
C’est la première réponse qui vient à l’esprit quand on se remémore tout le
temps perdu pour le pays et la démocratie.
En
juillet 2010, le chef de file de l’opposition démocratique avait (enfin !)
accepté de rencontrer le Président Ould Abdel Aziz dont il ne reconnaissait pas
la légitimité. Les partis de la Coordination de l’opposition démocratique (COD)
avaient alors amorcé un mouvement de rapprochement avec le pouvoir, suivi de
peu par les Islamistes de Tawaçoul qui allaient finalement rejoindre la
Coordination. Seul le Président Messaoud Ould Boulkheir semblait hésitant,
posant une condition : que le Président Ould Abdel Aziz exprime
publiquement la demande de dialogue. Ce qui fut fait le 28 novembre 2010, à
l’occasion du message à la Nation.
La
COD engagea une réflexion interne sur une plate-forme commune qu’elle devait
présenter lors de ce qui allait être les conciliabules pour un vrai dialogue.
Survinrent les évènements de Tunisie et d’Egypte. La COD exigea alors le départ
de Ould Abdel Aziz. Seuls les partis APP de Ould Boulkheir et El Wiam de
Boydiel Ould Hoummoid (rejoint par Sawab de Abdessalam Ould Horma) continuèrent
dans la logique du dialogue. La cérémonie d’ouverture de ce dialogue fut
solennelle. Le Président de la République ouvrant lui-même le processus.
Quelques semaines suffiront à faire le tour des questions, celles initialement
fixées par le document de la COD que les «dialoguistes» se sont
approprié. Une commission chargée du suivi des résultats de ce dialogue fut
mise sur pieds. Elle réussit à faire passer toutes les réformes, y compris les
plus complexes (réforme constitutionnelle, esclavage, augmentation de la
représentation populaire…). Deux ans (ou presque) pour mettre sur pieds une
CENI chargée de mener le processus électoral de bout en bout. C’est elle qui
annonce la date des élections, qui reporte cette date après accord politique,
qui engage le recensement à vocation électorale et qui doit superviser le
scrutin.
Alors
qu’elle voyait les portes se refermer devant elle, la COD a finalement accepté
de renoncer à son exigence de départ pour accepter enfin de discuter avec la
Majorité des conditions qui lui permettront de participer. De quoi pourrait-il
s’agir ?
L’avance
faite par le Président de la République à Néma comportait trois axes
principaux : report de la date, ouverture de la CENI et création d’un
Observatoire des élections. En plus, s’il y a lieu, d’un audit du fichier
électoral.
Le
report a été fait : du 12 octobre au 23 novembre. L’ouverture de la CENI
aux représentants de la COD serait dangereuse dans la mesure où, dans sa
composition actuelle, elle est – heureusement – apolitique. Une CENI partisane
comporte de grands risques pour le déroulement des élections et pour leurs
conclusions. D’autant plus que si la COD a la possibilité de nommer des
partisans parmi les Sages, il faut donner la même chance à la Majorité et à la
Coalition pour une Alternance Pacifique (les partis du dialogue). En effet
aucun des membres actuels de l’organe dirigeant de la CENI, et surtout pas son
président, ne peut être accusé d’appartenir à tel ou tel parti. Comment
accepter alors une recomposition de la CENI ?
Reste
l’Observatoire. L’idée peut être très bonne, mais quelles peuvent être les
prérogatives d’une telle institution ? Comment faire pour ne pas être en
face d’un doublon par rapport à la CENI ? Comment empêcher les
redondances ?
Alors ?
La composition de la délégation de la COD renseigne amplement sur ses
intentions. On perdra du temps à expliquer à certains des membres de la
délégation de quoi il s’agit, alors que d’autres se moqueront bien du temps que
cela prendra et de la tournure que cela prendra.
Le président Mohamed Ould Maouloud est certes bien
outillé pour diriger des négociations du genre – c’est lui qui a dirigé, pour
le compte du Front national de défense de la démocratie (FNDD), les
négociations de Dakar -, mais il a en face de lui l’homme qui lui a arraché
cette signature sans qu’il puisse compter sur des compagnons de même niveau que
lui. Ne lui reste que l’art «d’allonger le processus». Peut-être que ses
vis-à-vis se lasseront. Peut-être seulement, parce que ce qui est sûr, c’est
que la date fatidique du 23 novembre se rapprochera inexorablement. La pression
du «temps qui file» se fera sentir par tous. Avec une différence de
taille : la Majorité connait déjà ses candidats et est presque prête, tout
comme d’ailleurs l’Opposition de la CAP, alors que la COD attendra de prendre
la décision de participer ou non. Quand ? tout dépend…