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samedi 21 septembre 2013

Le prêche en plein air

C’est une émission de la chaîne Mourabitoune qui propose, presque chaque jour, une tranche qui consiste à suivre un prédicateur qui s’appelle Ould Abdel Melik. Il s’agit d’un Imam découvert sur la chaîne Sahel à tous ses débuts. A l’époque il proposait une veillée ramadanesque sur le toit d’une maison. Très chaleureux, l’homme maitrise la diction du Coran et sait parler au commun du mortel. Un vrai prédicateur, relativement moderne dans ses propos, il évite d’être sectaire dans ses développements. D’ailleurs avec Mourabitoune, son émission est devenue un prêche à l’air libre.
On le voit déambuler dans les rues des quartiers pauvres, interpeller les passants pour en faire un auditoire et leur parler de la Morale islamique. Et comme il voit que parmi son auditoire il se trouve des non Hassanophones, il parle Pulhar, probablement la seule langue nationale qu’il connait. A coup de sermons sur le vol, sur ce que doit être le comportement du «bon musulman», notre prédicateur enchaine les manifestations, de groupe en groupe, faisant la Morale à tous.
En principe, il n’y a rien à dire. C’est même utile en ces temps de «décadence morale», des temps où l’on exagère parfois les manifestations de la criminalité, où l’on dénonce dans les prêches de vendredis ce qu’on croit être la déperdition morale, en ces temps où «le monde semble donner les signes de sa fin», une telle entre prise ne peut pas être l’objet de critique. Seulement…
Ce n’est pas dans les quartiers populaires que nous avons le plus besoin de «moralisation», de rappel à l’ordre moral. C’est plus à Tevraq Zeina où sévissent encore les prédateurs qui ont pillé le pays, appauvrissant une partie de sa population, à Tevraq Zeina, véritable havre de la déperdition, là où l’on trouve les voleurs les plus dangereux pour la communauté, les plus grands menteurs, les alcooliques, là où se pratique l’adultère à ciel ouvert… C’est ici que les prédicateurs du genre de Ould Abdel Melik doivent être dirigés.
Je le dis parce que je trouve que les prêches, tous les prêches que j’ai déjà entendus, sont toujours plus violents, plus rigoureux, plus déterminés quand ils sont faits en milieux pauvres. Alors que dans les mosquées des quartiers aisés, ces prêches sont plus souples, plus modérés, plus généraux… Là-bas on a affaire à des esprits qu’on croit plus fragile et qui sont donc susceptible d’être emballés dans la bataille politique qui s’annonce, ici on est en face à ce que la société compte de gens qui sont supposés «intelligents» et «critiques». L’on sent alors que le prêche fait partie d’une entreprise d’embrigadement et qu’il n’est pas forcément une attitude positive visant à donner quelques enseignements utiles et à redresser des torts.