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vendredi 30 août 2013

Des roses et des épines

On attendait du «printemps arabe» l’éclosion de roses de toutes couleurs… Même nous autres gens du désert, insensibles à l’origine à la beauté des fleurs et à leurs odeurs qui nous paraissent participer à la corruption de la morale humaine, nous avons espéré voir éclore les fleurs d’une saison qu’on nous annonçait clémente.
En Tunisie où cela a commencé, le pays est pris entre trois feus. Celui de la menace terroriste dont les éléments les plus combatifs et les plus déterminés ont fait du sud-ouest tunisien une base arrière. L’Armée n’arrive pas encore à épurer les zones reculées des monts Chaambii et doit livrer une bataille coûteuse en hommes et en matériel.
Celui de la menace salafiste qui tend à imposer sa loi sur l’espace public dans un pays qui vivait du tourisme et de l’ouverture en général. Une menace qui oblige la mouvance islamiste modérée, celle qui se trouve au pouvoir après les élections, de maintenir un discours plus ou moins rétrograde sur certains aspects de la vie politique et sociale.
Celui de l’activisme d’une intelligentsia fortement occidentalisée, en rupture profonde avec son milieu, prônant l’athéisme comme doctrine d’Etat et faisant de la tradition religieuse un ennemi à combattre. Le salafisme laïc si l’on admet qu’il s’agit du même fanatisme destructeur (et réducteur).
Devant le tir croisé de ces trois fronts que peut la Tunisie qui ne se relève pas économiquement de l’épreuve de l’insécurité et de l’instabilité ?
En Libye, la mort de Kadhafi n’a rien réglé. Encore mois les accords et les discussions qui ont occasionné quelques rafistolages au sein de l’apparatchik dirigeant sans changer les fondamentaux du jeu qui aboutira nécessairement à la partition du pays. On a beau reculer l’échéance, il arrivera ce moment où la Cyrénaïque fera sécession, suivie par la Tripolitaine, le Fezzan, et probablement l’espace Amazigh des montagnes qui exprime déjà quelques velléités. Rien n’est moins sûr que la stabilité de la Libye. Les soubresauts l’annonçant sont occultés par les évènements d’Egypte et de Syrie. Momentanément.
En Egypte, la situation est chaotique. Elle n’a pas besoin de commentaire. Un coup d’Etat qui aboutit à une guerre civile soutenue par des entités étrangères. De quoi remettre en cause, et pour un moment, le leadership de l’Egypte dans le Monde Arabe. On n’est pas loin non plus de l’expression de velléités sécessionnistes au Sinaï depuis longtemps en proie à l’activité des Jihadistes, du Sud victime d’un Nord qui lui dicte ses agissements, des Coptes qui sont de plus en plus victimes d’exactions…
En Syrie, la guerre civile est totale. Même les Occidentaux n’osent plus parler de «révolution» ou de «révolutionnaires», même leurs alliés arabes parlent en termes de factions. L’horreur au quotidien. Imputée par un camp à l’autre. L’utilisation des armes chimiques, de part et d’autre, ajoute juste à l’horreur de la guerre que l’on suit en direct grâce à la machine de communication mise à contribution par les soutiens extérieurs de cette guerre. Guerre dont le résultat unique est la destruction de la Syrie. A qui profite le crime ?
Pas au peuple syrien, ni aux peuples arabes… d’ailleurs cette «révolution» qui a finalement conduit au chao ne pouvait pas aboutir à une amélioration des conditions de vie des populations, ni un meilleur positionnement du Monde arabe sur l’échiquier, encore moins sur un recouvrement des droits arabes spoliés par les différents oppresseurs… Elle a été une entreprise de sape visant à détruire ce qui restait des Etats, à restaurer les vieux particularismes communautaristes, à semer la zizanie et le chao pour affaiblir un monde déjà trop faible.
Combien de temps, le Monde arabe mettra-t-il pour se relever de l’épreuve ? combien de temps pour reconstruire l’Irak, la Syrie, pour refaire l’unité du peuple égyptien, pour réhabiliter l’Etat moderne en Tunisie et au Yémen ? combien faudra-t-il pour retrouver l’Irak sans bombe, avec ses poètes, ses savants, ses techniciens, son niveau technologique, culturel d’avant la guerre «démocratique» lancée par Bush père et fils et leurs alliés ? combien pour retrouver la Syrie avec son autosuffisance alimentaire, ses facultés de médecine, ses centres de formations professionnels, ses fabriques… ? combien pour retrouver le bonheur en Egypte, en Tunisie ?
Avant le «printemps», des despotes ont pillé les pays, réduit leurs populations à un statut d’esclaves et de prisonniers… Ils étaient soutenus par les Occidentaux qui ont justifié leurs agissements, les aidant parfois à sévir contre leurs peuples.
Après le «printemps», nous voilà confrontés aux guerres civiles, aux affres de l’instabilité… avec le soutien de l’Occident. Encore.
Au lieu des roses attendues, l’on nous offre des épines. Encore.