La situation en Egypte est grave parce qu’elle vire vers
une guerre civile qui risque d’avoir ses pendants à l’international. Chaque camp
essaye de se faire passer pour la victime. La vraie victime de ces évènements
est l’Egypte. En tant qu’entité. Ce vendredi, j’essaye de comprendre.
Sur Al Jazeera, j’apprends que des policiers ont tiré sans
discernement sur des manifestants qui voulaient faire un sit-in devant leur
commissariat. Bilan : 32 morts parmi les civils. Des milliers de gens
convergent vers la mosquée Al Fat’h du Caire pour célébrer le millier de morts
de la veille. Sans précédent dans l’histoire de la répression du pays. On voit
les images et on entend les commentaires : la Confrérie des Frères Musulmans
défend la légalité et exige le retour du Président élu Mohamed Morsi. Elle est
victime de la répression de l’Armée qui organise des frappes aériennes avec
Israël contre des positions dans le Sinaï.
Sur Al Arabiya, un commissariat a été attaqué par un groupe
armé. C’est l’Armée qui a sauvé la situation par son intervention. Les assaillants
lourdement armés ont été tous tués. (C’est le commissariat de tout à l’heure
sur Al Jazeera). L’Egypte est victime d’un complot international dont les
Frères Musulmans sont le fer de lance. La Confrérie pousse vers la guerre
civile par ses attaques contre les églises coptes et contre tous ceux qui ne
sont pas de son côté. La Confrérie utilise les méthodes de la franc-maçonnerie
et ne peut plus descendre dans la rue. Les images qu’on montre des rues sont
plutôt désertes. Les quelques manifestations sur lesquelles les caméras sont braquées
sont constituées de foules clairsemées…
Dans la mosquée où j’ai l’habitude de prier le vendredi, l’Imam
n’est pas direct mais il invite à dénoncer l’oppression et l’arbitraire, à
soutenir le Croyant dans sa lutte contre l’arbitraire. Pour lui, il ne faut pas
se suffire de la condamnation verbale, il faut combattre l’arbitraire et l’hérésie
là où cela se manifeste. Mais il ne nous dit pas où est l’arbitraire qu’il dénonce
pour la première fois et qu’il nous engage à combattre pour la première fois,
depuis qu’il est Imam de cette mosquée. Est-ce celui que certains d’entre nous
souffrent pour être mal-nés ? ou celui que certains d’entre nous exercent
parce qu’ils ont les moyens de le faire ?
Je comprends difficilement ces prises de conscience
passagères qui inspirent nos Ulémas et notre élite religieuse en général quand
il s’agit d’Egypte, de Palestine, de Syrie… Pourquoi ne s’émeuvent-ils pas de
ce qui se passe au Bahreïn où une minorité exploite, réprime dans le sang et
réduit à l’esclavage une majorité au nom de l’appartenance religieuse ?
Pourquoi ils ne s’intéressent pas à ce qui se passe dans nos Kebbas, dans nos
Adwabas, dans nos villes et dans nos campagnes ? Pourquoi mangent-ils dans
les mains de ceux qui détournent, pillent et dilapident nos biens destinés au
développement de notre pays ? Pourquoi reçoivent-ils – et avec tous les
égards – les «Mufcidine»
(prévaricateurs), les tortionnaires de tous temps, les voleurs, les trafiquants… ?
Pourquoi ?
Pour revenir à l’Egypte, comment avoir la vérité ?
comment savoir quel camp a raison ? à travers quel prisme ? et
quelles grilles de lecture ?