J’ai
lu ces derniers jours de nombreux articles parus sur les sites arabophones de
Mauritanie appelant tous les Mauritaniens à «profiter» des évènements d’Egypte pour s’en inspirer dans «la recherche d’une issue» à la
soi-disant «crise politique qui secoue le
pays».
Il
y a effectivement des éléments de comparaison entre les deux processus, celui
de Mauritanie commencé en août 2005 et celui d’Egypte déclenché en janvier 2011.
Notamment la création dans chacun des pays d’un comité militaire promettant une
transition désintéressée, appelée d’abord ici «Comité militaire pour la Justice et la Démocratie» (CMJD) en 2005,
puis «Haut conseil d’Etat» en août
2008. En Egypte, l’Armée a pris le pouvoir en mettant sur place un HCE
directement avec le Maréchal Tantawi comme chef, un ancien apparatchik du
système Hosni Moubarak. Exactement comme quand ce fut le colonel Ould Mohamed
Val, l’ancien directeur de la sûreté de Ould Taya, a été choisi pour diriger la
première transition.
En
Egypte les velléités autoritaristes du pouvoir islamiste sorti des urnes ont
amené le Président Mohamed Morsi à promouvoir une nouvelle classe d’officiers
dont certains étaient pressentis comme sympathisants de la mouvance islamiste. Le
général Abdel Fettah Al Sissi fut nommé chef d’Etat Major des Armées pour
justement éviter les vieux réflexes de l’Armée. On croyait bien faire en
mettant en avant de «jeunes officiers»
dont les précédents politiques étaient plutôt «rassurants».
Bien
avant en Mauritanie, le Président élu Sidi Ould Cheikh Abdallahi avait été
poussé par ses amis politiques à «évacuer»
la vieille garde militaire. C’est le temps de la démission du colonel
Abderrahmane Ould Boubacar qu’il avait trouvé chef d’Etat Major et avec lequel
il aurait dû avoir des liens sociaux très spéciaux. A ce moment, la plupart des
anciens officiers supérieurs avaient été dégagés du commandement. On croyait
pouvoir manipuler les jeunes qui avaient pourtant donné les preuves de leur
habilité politique en adoubant un inconnu et en le faisant passer grâce au
concours d’une grande partie de la classe politique. Cette partie de
cache-cache qui va s’engager par la suite mettait en évidence deux camps
ennemis : celui des jeunes officiers ayant pris le pouvoir en août 2005
(les véritables auteurs du coup d’Etat) et en face d’eux, les victimes de ce
coup d’Etat et toutes les forces centrifuges ayant pour objectif de restaurer l’ancien
système.
Vint
le coup de poker – ce n’est pas un coup de balai mais une tentative de coup de
balai – du mercredi 8 août 2008. Quand le Président élu fut «poussé» par ses soutiens de l’époque à
commettre la faute qui consiste à ignorer le rapport de force et à croire qu’on
pouvait aussi facilement remettre en cause des équilibres obtenus par miracle.
La
différence entre les scènes mauritanienne et égyptienne, consiste en l’absence
ici de mouvement de foules anticipant ou accompagnant les changements de
pouvoir. En Egypte par contre, des millions sont sortis chaque fois pour
préparer le terrain.
Autre
différence fondamentale : les officiers mauritaniens n’ont jamais hésité à
prendre et à exercer le pouvoir directement, alors que, dans le cas du général
Abdel Fettah Al Sissi, il essaye de rester en retrait. C’est très probablement
ce qui crée la situation de confusion totale et qui risque de dégénérer en
guerre civile.
Si
l’une des scènes doit apprendre de l’autre, c’est bien la scène égyptienne. C’est
à l’élite égyptienne de trouver un «Accord
de Dakar» qui va amener les protagonistes à revenir à la légalité en déclenchant
une mise en scène par laquelle le Président élu revient au pouvoir juste pour
démissionner et nommer un gouvernement de transition en charge de préparer de
nouvelles élections présidentielles. C’est à la classe politique égyptienne d’imaginer
un rétablissement de la démocratie à même de garantir la stabilité du pays. C’est
à cette classe politique d’éviter les erreurs commises ici, les mauvais
calculs, la mauvaise foi, la mauvaise appréciation des rapports de force…
Contrairement à la classe politique mauritanienne, l’égyptienne peut compter
sur des soutiens populaires réels et surtout sur une capacité de mobilisation
et une expertise avérée. Ce n’est pas le cas ici.