Ce
soir je suis invité par un ami qui est invité par un groupe de jeunes au café
tunisien. L’ami en question, Abdel Vettah Ould Toutah, est un écrivain qui fait
du journalisme par passion. Il a commencé enseignant et est devenu libraire
avant de s’essayer dans la nouvelle et dans la rédaction (journalistique). Les deux
tentatives vont lui réussir.
Le
groupe est constitué de jeunes universitaires et chercheurs qui se retrouvent
une fois par semaine au café Tunisie, en terrasse pour discuter avec une
personnalité culturelle de sa production ou d’un thème donné. Cela dure depuis
août dernier, en fait depuis ce 21 août quand quelques membres d’un réseau de
discussion décident de se voir «physiquement»
- d’où le nom de «Forum du 21 août».
Au
début l’un d’eux faisait une lecture de ses rubriques quotidiennes, lectures
suivies de discussions souvent animées. Puis, les jeunes ont trouvé
intéressante l’idée de faire appel à des personnalités extérieures pour une
présentation. Bientôt un an…
Ce
soir, la discussion à l’ordre du jour est centrée sur la nouvelle et le récit
comme genres littéraires. Quel rapport avec la poésie ? le récit est-il
une expression du Moi ? est-il nécessairement engagé ? quelle
gestation pour le récit ? quel rôle pour le personnage, est-ce lui qui
impose sa personnalité ou son …créateur ? la Création comme attribut divin
est-elle ou non une source de blocage devant la naissance du roman ?
écrire en Arabe, est-ce la même chose qu’écrire en Français ? quel rôle
pour le dialecte ? l’élite doit-elle descendre de son piédestal ou y
rester ? à qui écrit-on ?
Les
questions pleuvaient, preuve de l’intérêt que portent ces jeunes à la question,
preuve aussi de leur maîtrise du sujet. Les réponses relevaient plus de la
relance du débat que de la réponse définitive et sans appel. L’exercice a duré
près de trois heures…
Sur
la terrasse du café, un groupe à part. Un groupe de jeunes qui ne sont pas là
pour discuter des dernières voitures de luxe volées en Europe et revendues ici.
Ni de politique politicienne sans consistance. Ils ne sont pas non plus là à
traficoter ou à promouvoir les réflexes délinquants…
Au
contraire. Des jeunes qui essayent, dans un environnement où la culture ne paye
pas, de «cultiver un jardin», celui
de l’esprit. Cela fait plaisir de les voir et de les entendre. Même si cela
détonne avec notre environnement fait de gazra et de thieb-thieb.
Le
groupe est ouvert. L’expression peut s’y faire en toutes langues. Aucun sujet n’est
visiblement tabou. Toute personne qui le désire peut prendre la parole et s’exprimer.
C’est en fait le principe d’un «Salon»
à la mesure de l’animation qui lui est dédiée… C’est un «coin libéré» où foisonnent des idées de jeunes, c’est-à-dire des
idées plus ou moins libérées du carcan dominant. Le conflit de générations tant
espérée peut-il commencer ici ?