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mercredi 24 juillet 2013

Le RAVEL, premier pas concret

La CENI a lancé le recensement à vocation électoral (RAVEL). C’est le premier pas concret vers l’organisation d’élections législatives et municipales dans la fourchette prévue entre le 15 septembre et le 15 octobre prochains. On peut dire que le compte à rebours a commencé.
Du coup la scène politique connait une effervescence nouvelle. Les ftours – ces «coupures de jeûne» communes – se multiplient. Parfois pour répéter les arguments qu’on a toujours développés, ceux qui tentent de persuader de l’utilité du boycott de ces élections. Parfois pour poser timidement des conditions en essayant de relever le plafond des revendications au maximum comme pour empêcher toute possibilité d’ouverture de dialogue. Au sein de la Coordination de l’Opposition démocratique (COD), les discours intransigeants ne manquent pas. Un peu pour convaincre que le risque de boycott est très grand. Mais qui prendra la responsabilité de rééditer la bêtise de 1992 ?
J’ai entendu l’un des responsables de la COD reconnaitre que l’Opposition avait commis des erreurs dans l’application de l’Accord de Dakar. Il reprochait aux pôles de l’Opposition de n’avoir pas opté pour un retrait du gouvernement «quand le Premier ministre du gouvernement d’union avait signé le décret appelant le collège électoral». Le responsable estime que c’est là qu’il faut situer l’erreur qui est advenue parce que les candidats avaient les yeux rivés vers l’élection qu’ils étaient sûrs de remporter. Une manière de diluer les responsabilités et de les faire porter à ceux qui étaient dans la course présidentielle.
En fait, l’erreur, s’il y a erreur, se situe bien avant. Quand les négociateurs des deux pôles de l’Opposition (le Front national pour la défense de la démocratie et le Rassemblement des forces démocratiques) avaient accepté de signer un accord qui fixait les élections au 18 juillet 2009, c’est-à-dire moins de deux mois après. Ils avaient cru à l’époque que la proximité d’une telle échéance empêcherait nécessairement la tenue de l’élection. Ils se sont trompés. Ils devaient assumer jusqu’au bout.
C’est ensuite dans le choix des membres du gouvernement qui devaient les représenter : à part deux (Ould Rzeizim et Ould Cheikh), c’est le tout-venant des partis qui avait été proposé aux postes les plus sensibles. Ni les membres du gouvernement, ni les membres de la CENI n’étaient assez disciplinés ou assez outillés (mentalement) pour assurer les arrières. Cela s’est effectivement traduit par le refus de tous de démissionner quand leurs partis le leur ont demandé : chacun voulait garder ses privilèges jusqu’au bout. A qui la faute ? (Rappelons que ce sera le cas des parlementaires qui n’iront pas jusqu’au terme d’un raisonnement qui menait à une dénonciation légitime du mandat de l’Assemblée nationale : les députés qui dénonçaient la prolongation ont été incapables d’aller à la démission parce que cela les priverait des avantages énormes dont ils jouissaient).
L’erreur est, enfin, dans le refus de reconnaitre immédiatement les résultats d’une élection co-organisée. On se souvient que les deux autres pôles sont partis à la recherche d’arguments fallacieux pour éviter d’avoir à reconnaitre ces résultats (le B chimique). Seuls finalement les Islamistes de Tawaçoul vont «prendre acte» des résultats pour chercher ensuite à trouver une place sur l’échiquier. Cela s’est traduit par les alliances avec l’Union pour la République (UPR) et par la nomination de quelques grandes figures de la mouvance à des postes de responsabilité. Mais cela a été passager, le flirt ne durant qu’un an à peine.
En discutant avec un politiste de chez nous, il me dit à peu près ceci : «Le problème de la classe politique et de l’élite en général, c’est qu’elle ne prend jamais de leçons de son expérience passée. C’est pourquoi elle refait les mêmes erreurs. La même mauvaise analyse qui a conduit au boycott de 1992 et qui est à l’origine de l’avortement de la jeune démocratie, est celle-là même que développent les politiques les plus en vue». Quelqu’un qui nous écoutait rétorqua : «Est-ce que ce n’est pas parce que personne n’a jamais reconnu qu’il s’agissait là d’erreurs ?»

Oui, qui a déjà reconnu ici avoir fait des erreurs ? les gourous de l’ancien régime ? les tortionnaires de l’ancien régime ? les prédateurs de l’ancien régime ? les hommes politiques ? les gestionnaires véreux ? les journalistes manipulateurs ? les médecins maladroits ? les juges sans conscience ? les fonctionnaires indélicats ? les chauffeurs irrespectueux du Code ? …Nous sommes dans une société où la perception du temps qui avance et de l’évolution comme accumulation est travestie par une élite corrompue qui n’arrive pas à reconnaitre ses erreurs, à les identifier, à les expliquer, à les assumer et à éviter de les répéter. Nous sommes obligés donc de souffrir cette élite qui nous oblige à tourner en rond.