La
CENI a lancé le recensement à vocation électoral (RAVEL). C’est le premier pas
concret vers l’organisation d’élections législatives et municipales dans la
fourchette prévue entre le 15 septembre et le 15 octobre prochains. On peut
dire que le compte à rebours a commencé.
Du
coup la scène politique connait une effervescence nouvelle. Les ftours – ces «coupures de jeûne» communes – se multiplient.
Parfois pour répéter les arguments qu’on a toujours développés, ceux qui
tentent de persuader de l’utilité du boycott de ces élections. Parfois pour
poser timidement des conditions en essayant de relever le plafond des
revendications au maximum comme pour empêcher toute possibilité d’ouverture de
dialogue. Au sein de la Coordination de l’Opposition démocratique (COD), les
discours intransigeants ne manquent pas. Un peu pour convaincre que le risque
de boycott est très grand. Mais qui prendra la responsabilité de rééditer la bêtise
de 1992 ?
J’ai
entendu l’un des responsables de la COD reconnaitre que l’Opposition avait
commis des erreurs dans l’application de l’Accord de Dakar. Il reprochait aux
pôles de l’Opposition de n’avoir pas opté pour un retrait du gouvernement «quand le Premier ministre du gouvernement d’union
avait signé le décret appelant le collège électoral». Le responsable estime
que c’est là qu’il faut situer l’erreur qui est advenue parce que les candidats
avaient les yeux rivés vers l’élection qu’ils étaient sûrs de remporter. Une manière
de diluer les responsabilités et de les faire porter à ceux qui étaient dans la
course présidentielle.
En
fait, l’erreur, s’il y a erreur, se situe bien avant. Quand les négociateurs
des deux pôles de l’Opposition (le Front national pour la défense de la
démocratie et le Rassemblement des forces démocratiques) avaient accepté de
signer un accord qui fixait les élections au 18 juillet 2009, c’est-à-dire
moins de deux mois après. Ils avaient cru à l’époque que la proximité d’une
telle échéance empêcherait nécessairement la tenue de l’élection. Ils se sont
trompés. Ils devaient assumer jusqu’au bout.
C’est
ensuite dans le choix des membres du gouvernement qui devaient les représenter :
à part deux (Ould Rzeizim et Ould Cheikh), c’est le tout-venant des partis qui
avait été proposé aux postes les plus sensibles. Ni les membres du
gouvernement, ni les membres de la CENI n’étaient assez disciplinés ou assez
outillés (mentalement) pour assurer les arrières. Cela s’est effectivement
traduit par le refus de tous de démissionner quand leurs partis le leur ont
demandé : chacun voulait garder ses privilèges jusqu’au bout. A qui la
faute ? (Rappelons que ce sera le cas des parlementaires qui n’iront pas
jusqu’au terme d’un raisonnement qui menait à une dénonciation légitime du
mandat de l’Assemblée nationale : les députés qui dénonçaient la
prolongation ont été incapables d’aller à la démission parce que cela les
priverait des avantages énormes dont ils jouissaient).
L’erreur
est, enfin, dans le refus de reconnaitre immédiatement les résultats d’une
élection co-organisée. On se souvient que les deux autres pôles sont partis à
la recherche d’arguments fallacieux pour éviter d’avoir à reconnaitre ces
résultats (le B chimique). Seuls finalement les Islamistes de Tawaçoul vont «prendre acte» des résultats pour
chercher ensuite à trouver une place sur l’échiquier. Cela s’est traduit par
les alliances avec l’Union pour la République (UPR) et par la nomination de
quelques grandes figures de la mouvance à des postes de responsabilité. Mais cela
a été passager, le flirt ne durant qu’un an à peine.
En
discutant avec un politiste de chez nous, il me dit à peu près ceci : «Le problème de la classe politique et de l’élite
en général, c’est qu’elle ne prend jamais de leçons de son expérience passée. C’est
pourquoi elle refait les mêmes erreurs. La même mauvaise analyse qui a conduit
au boycott de 1992 et qui est à l’origine de l’avortement de la jeune
démocratie, est celle-là même que développent les politiques les plus en vue».
Quelqu’un qui nous écoutait rétorqua : «Est-ce que ce n’est pas parce que personne n’a jamais reconnu qu’il s’agissait là d’erreurs ?»
Oui,
qui a déjà reconnu ici avoir fait des erreurs ? les gourous de l’ancien
régime ? les tortionnaires de l’ancien régime ? les prédateurs de l’ancien
régime ? les hommes politiques ? les gestionnaires véreux ? les
journalistes manipulateurs ? les médecins maladroits ? les juges sans
conscience ? les fonctionnaires indélicats ? les chauffeurs irrespectueux
du Code ? …Nous sommes dans une société où la perception du temps qui
avance et de l’évolution comme accumulation est travestie par une élite
corrompue qui n’arrive pas à reconnaitre ses erreurs, à les identifier, à les
expliquer, à les assumer et à éviter de les répéter. Nous sommes obligés donc
de souffrir cette élite qui nous oblige à tourner en rond.