La
victoire des Mourabitoune sur les Lions du Sénégal est historique ne serait-ce
que parce qu’elle est la première victoire d’une équipe mauritanienne sur nos
frères, devenus nos voisins en 1989, et qui redeviennent ces frères que nous
aimons et qui sont une sorte de prolongement «naturel» pour nous. Jamais
une équipe mauritanienne n’a osé battre son homologue du Sénégal. La génération
à laquelle j’appartiens a encore en tête les scores étriqués de 10 à 1 (années
70) et de toutes les éliminations de Mourabitoune des compétitions régionales
et continentales quand nous tombions sur le Sénégal.
Les
commentateurs sénégalais ne s’y trompent pas : «…Les Mauritaniens ont
pris la peine de monter une équipe nationale contrairement au
Sénégal qui a une sélection. Avec cette première qualification historique, la
Mauritanie vient de récolter les premiers fruits d’un long travail.»
Le
commentateur sportif sénégalais insiste ici sur la mise en place d’une «équipe
nationale» et non d’une «sélection». La seconde («sélection»)
est une juxtaposition de talents supposés ou réels qui peuvent tourner ou pas le
temps d’un match. La première («équipe nationale») par contre suppose
une solidarité totale entre les joueurs, un engagement individuel pour servir
le groupe, un dévouement personnel pour consolider la cohésion du groupe, un
sacrifice du moi pour booster le groupe… Elle suppose aussi la mise en œuvre d’une
stratégie qui prend le temps de mûrir et de se déployer. Elle nécessite une
vision d’ensemble, une priorisation des objectifs, en somme un travail de fond
et une construction patiente.
C’est
en cela que cette victoire des Mourabitoune est plus qu’un passage de niveau
pour la jeune équipe dirigeante de la fédération de football, une équipe qui
avait trouvé la Mauritanie bannie de la plupart des compétitions pour ses
forfaits et ses incartades face aux exigences des institutions sportives
internationales.
Cette
victoire est d’abord celle une fibre nationaliste qui avait besoin de trouver
une raison de s’exprimer. C’est dans la joie qu’un peuple communie. Dans la
douleur aussi. Mais c’est surtout dans la joie que l’émotion peut être un socle
solide sur lequel peut se construire la plus improbable des entités.
Hier,
ce n’était pas seulement une qualification qui faisait vibrer les Mauritaniens –
toutes origines confondues – mais la fierté d’appartenir à ce pays où l’équipe
arc-en-ciel a incarné le désir d’être et porté le rêve de s’affirmer.
Le
commentateur sénégalais – je reviens encore à lui – explique : «Des
moyens ont fait aussi la différence. Là où les Sénégalais promettent des
miettes aux joueurs en cas de qualification, la fédération mauritanienne
propose à chaque joueur une prime de qualification d’un million d’Ouguiyas
(monnaie locale) soit un peu plus de trois millions de francs CFA par joueur. Certainement
le coût financier a fait la différence tout comme la présence dans les gradins
du président de la République Ould Aziz, a sans doute motivé les joueurs à
aller jusqu’au bout. Le tout grâce à une équipe dirigée par un homme en l’occurrence
le technicien français Patrice Neveu qui a fait de cette compétition sa
priorité.»
Et
là où Patrice Neveu ne s’est pas trompé, c’est quand il a dit : «C’est
un peuple qui a besoin de reconnaissance»
Cette
victoire est un premier pas vers cette reconnaissance dont on a besoin. Mais elle
est déjà une communion, un moment de retrouvaille pour nous, un moment d’affirmation
pour ce que nous sommes et ce que nous devons être : des Mauritaniens et
fiers de l’être.