Hier chez Diallo Daouda, une partie d’une
Mauritanie plurielle qui se retrouve. Le temps d’un dîner auquel a convié son
jeune frère Diallo Amadou, résident à Nice de passage pour ses vacances.
Des Bidhânes, au sens large, des Peulhs,
des Bambaras… un peu de toutes les régions, de toutes les ethnies. De jeunes
militants (ou anciens militants) de Conscience et Résistance, «ce qu’il en
reste», pour reprendre les termes de notre hôte, des cadres de l’UPR, du
RFD, des universitaires, des fonctionnaires… un peu de tout de cette Mauritanie
dynamique qu’occulte les discours catastrophés de notre élite.
Si j’en parle, c’est bien parce que j’ai
malheureusement perdu l’habitude de voir cette Mauritanie-là. Celle qui
rassemble spontanément, sans calcul, sans haine, sans rancune, sans défiances…
Une Mauritanie que j’ai connue, qui a été
la nôtre, celle de générations aujourd’hui dépassées par la vigueur d’une
démographie qui fait que la majorité des Mauritaniens, la grande majorité
d’entre eux, ont 30 ans et moins. Ceux-là ne peuvent soupçonner la Mauritanie
heureuse qui a été les trente premières années de l’indépendance.
Il ne s’agit pas de magnifier une période
qui avait ses grandes lacunes, mais simplement de regretter un temps où les
disparités, les appartenances et les sensibilités étaient moins «épidermiques»
qu’aujourd’hui.
Les bandes de jeunes se rassemblaient par
préoccupations : ceux qui aiment le football se retrouvaient dans les
espaces publics pour jouer, les amateurs de volleyball ou de basket allaient
sur les terrains consacrés, à la maison des jeunes, au stade de la capitale, au
Racing club pour les plus nantis, ceux qui aimaient la lecture se retrouvaient
à la maison de la culture ou dans les centres culturels (français, égyptien,
libyen…), ceux qui aimaient le jeu des cartes se repliaient chez eux… Mais on
ne pouvait voir une bande sans pluralité. Les amitiés se tissaient suivant les
affinités, la proximité géographique (habitant du même quartier) et non la
parenté.
Quelle langue on parlait ? Je ne sais
pas exactement mais on communiquait parfaitement. Parce qu’à l’époque la
question de la langue n’avait pas encore été instrumentalisée comme elle le sera
plus tard par les politiciens.
Les «grandes» maisons – ici la «grandeur»
n’était pas liée à la naissance des occupants mais à leurs fonctions et à leur
aisance matérielle – étaient ouvertes. On passait de chez les Diagana à Ehl
Mohamed Saleh, de chez les Bâ à Ehl Hommodi, de chez les Mohamed Laghdaf aux
Koïta… On était les enfants de tous et on se comportait en tant que tels.
Le Nouakchott des années 70 et même 80,
n’a rien à voir avec celui d’aujourd’hui. Surtout sur le plan de la mixité, de
l’union, des échanges, des espaces de rencontre…
Sont passées par ici les politiques de
sape qui ont conduit à 1989, 1990 et 1991 et dont les plaies ont tardé à être
soignées. Elles dénotaient de la volonté politique officielle de diviser ce
peuple.
Sont passées par là aussi les différentes
instrumentalisations de nos différences qui ont été exploitées non pas comme
richesses mais comme tares exagérément décrites pour créer des antagonismes qui
n’ont jamais existé.
Rien n’est venu corriger. C’est ce qui
fait qu’une soirée comme celle d’hier me redonne espoir et me rend heureux.