Son
vrai nom est Mohamed Mahmoud Ould Mohamed el Baqer. Il est né au milieu des
années 70 au moment de la visite de l’Emir Zayed des Emirats, celui avec lequel
les Mauritaniens entretenaient des relations particulières. Ses parents lui
donnèrent un second nom : Zayed. Comme tout Mauritanien qui se respecte,
il a donc deux prénoms, l’un, très connu, est celui qu’il utilise dans la
profession qu’il exerce.
Certains
le connaissaient depuis qu’il était policier aux Emirats où, pendant des années
il a animé un salon virtuel qu’il appelait «Pall-talk» et où il recevait
poètes, érudits et politiques de culture hassanophone. Il les mettait en face
de «son» public, animant ainsi des discussions passionnées qu’il
modérait sous le pseudo de «Shartaat» (l’hyène). Ce pseudo qui renvoie à
un animal décrit par la culture populaire comme le plus lâche, le plus
grossier, le plus brutal, le moins outillé «intellectuellement» pour
éviter les ruses et les coups fourrés que racontent les histoires qui ont
peuplé notre enfance.
Avec
ce pseudo, Zayed donnait le la d’une option qui privilégie la libre expression
dans les rapports des uns aux autres et la dérision comme mode de dénonciation.
C’est ce concept qu’il veut traduire dans une émission de radio qu’il anime
depuis quelques mois sur «Saharamédia FM». Une émission qui s’appelle «sahara-talk».
Il
a commencé avec une heure de libre antenne, puis deux heures, chaque soir de 22
heures à minuit sur 92.8 FM. Le sujet est choisi à l’avance et communiqué par
internet (facebook…). Le soir, les lignes téléphoniques sont ouvertes. Elles sont
prises d’assaut par les intervenants. Toutes les opinions sont entendues. Toutes
les questions, les plus idiotes et les plus pertinentes, sont posées. Toutes les
voix sont entendues.
Parfois,
Zayed invite un responsable (ou une personnalité concernée par le sujet) pour
la laisser en face du public. Ce fut le cas de plusieurs responsables comme
ceux de la sécurité routière (groupement général de sécurité routière, GGSR) ou
de la protection civile. Mémorable moment où le responsable de la protection
civile affirme que ses services mettent une série de numéros de téléphones à la
disposition du public partout en Mauritanie, et que Zayed demande au technicien
de radio d’essayer les numéros donnés. Aucun ne répondait. Puis Zayed demande
au responsable d’essayer lui-même les numéros. Aucune réponse. On peut imaginer
la perturbation du responsable…
«’alooh
enta», «ehel tarhiil vareq krédihum elleyla», «aha !
premièle maa yinsma»… quand on l’entend pour la première fois, on ne peut s’empêcher
de marquer un moment de gêne. Cette exagération dans les accents, cette
familiarité avec les auditeurs, le ton très populaire… sont faits pour gêner l’élite
qui a toujours imaginé que le droit à l’expression est un privilège qui lui
revient de droit, que les outils de cette expression (radio, télévision) sont
sa propriété. C’est bien parce que l’émission rend la parole au citoyen lambda,
au vrai peuple qu’elle dérange et qu’elle est l’objet de nombreuses critiques
de la part des «bienpensants» de notre société.
En
plus, Zayed ne manque pas de donner les preuves de sa grande culture : il
entrecoupe les interventions de belles lectures poétiques et ne se défile pas
quand il s’agit de remettre à leur place moralistes et autres prétendants à la
dictature de la pensée, à coup de versets coraniques et de Hadith. S’il le faut
avec un argumentaire tiré de la culture universelle de la tolérance. Une chose
qui excède visiblement Zayed : le sectarisme qui mène fatalement à l’obscurantisme
et à la dictature de la pensée.
L’émission
marque à mon avis une sorte de projet éditorial original qui est directement à
l’écoute de la masse, qui lui parle son langage, qui parle de ses réelles
préoccupations et qui met à sa disposition quelques compétences pour
comprendre.
Zayed doit tout à sa spontanéité qui demande une forte
dose de sincérité. Il donne ainsi confiance à ses auditeurs. Le reste vient
tout seul.