16 mars 1981… une date que je ne veux pas oublier. Parce qu’elle a coûté au
pays par la perte de quelques vaillants officiers et par une nouvelle blessure
ouverte dans les cœurs d’une partie de cette Mauritanie qui n’arrive pas à
faire le deuil de tous ses fils perdus bêtement.
Car que faut-il retenir de cette folle aventure qui a conduit les colonels
Kader et Ahmed Salem et leurs amis et compagnons à venir à Nouakchott en ayant
l’intention de prendre le pouvoir. Oubliant que ce pouvoir dont ils voulaient
débarrasser la Mauritanie avait ses pions dans l’environnement politique qui
les avait pris en charge. Seuls les soutiens probables (ou possibles, ou
évidents, ou inconditionnels…) du groupe n’étaient pas au courant du projet. Le
Comité militaire s’était préparé à les recevoir et à faire échouer leur projet.
C’est de bonne guerre.
Après un procès vite fait, quatre des conspirateurs sont exécutés dont bien
sûr les deux colonels… Une perte sèche. Un vide qui ne sera jamais comblé pour
ceux qui connaissent les quatre hommes. Il n’y a que le Président du CMSN de l’époque
qui ne semble pas regretter, lui qui en est encore à justifier son refus de
clémence. Avec force et arrogance. Il avait bien sûr le droit de ne pas gracier
les hommes qui voulaient le renverser, probablement le tuer. Mais à un moment
de la vie d’un homme, il faut réévaluer les actes et les choix pour ne pas
rester avec l’impression d’avoir toujours bien fait. D’autant plus qu’il y a
mort d’hommes.
On attend des explications des hommes politiques qui accompagnaient et
poussaient vers le projet de prise de pouvoir par la violence. Pourquoi ?
pourquoi fomenter cela à partir de l’extérieur ? pourquoi ne pas avoir
mobilisé à l’intérieur ? pourquoi avoir oublié ceux qui auraient dû être
traités comme les martyres d’une cause ? y avait-il d’ailleurs une cause ?
laquelle ? et qu’en reste-t-il ?
Pour résumer, les animateurs de l’AMD (alliance pour une Mauritanie
démocratique), mouvement politique ayant inspiré le 16 mars, nous doivent de
nous dire ce qu’il en reste, ce que nous devons en retenir pour le pays, pour
le peuple, pour les acteurs… Ceux-ci sont-ils des héros ou simplement des
victimes ? S’ils sont des héros pourquoi leurs amis politiques ne les
ont-ils jamais célébrés publiquement ? S’ils sont des victimes, pourquoi
ne les pleurent-ils pas ?
Au bout d’une précédente réflexion à la même occasion, je concluais : «Dans ce pays, les relations entre civils et
militaires ont toujours mal fini. Chaque militaire qui entre sur la scène
politique a été poussé par un groupe politique déterminé. Quand le coup aboutit
à une prise de pouvoir, une période de grâce s’ouvre pour le groupe concerné,
l’occasion d’exclure les protagonistes politiques, d’accaparer à soi tous les
privilèges, de promouvoir les siens. Cela finit fatalement par la contestation,
le blocage et un divorce entre les ailes militaire et civile du pouvoir.
Toujours au profit de la première parce que la seconde (l’aile civile) n’a
jamais eu les moyens de ses ambitions.
Si, par contre, le
putsch n’ouvre pas sur une prise de pouvoir, les militaires sont abandonnés à
leur sort et vite oubliés par les politiques qui les ont poussés sur cette
voie. A ceux-là, à tous ceux-là je dis : honte à vous».