Les années se suivent et avec elles les
commémorations des ces journées, chacune dédiée à une cause qui ne semble
jamais gagnée. C’est ici et maintenant la journée «internationale» de la
femme. Cette journée est au moins l’occasion de méditer et d’évaluer le
parcours des femmes, ne serait-ce que le temps d’une journée. Quid de la femme
mauritanienne ?
Deux états s’offrent à nous. Le premier nous dit
que la scolarisation est légèrement supérieure dans les rangs des filles que
chez les garçons. Que les réformes politiques et institutionnelles permettent
désormais d’assurer une représentation «acceptable» (en attendant mieux)
des femmes dans l’Appareil politique, notamment le domaine électif. Qu’on a eu
un gouvernement où l’on comptait six femmes dont certaines dans des postes-clés
comme les affaires étrangères (le premier pays arabe et musulman à le faire),
la fonction publique, la culture… Que nous avons désormais des femmes «Ambassadrices»
dont l’une est encore en fonction et pas n’importe où, à Bruxelles, chez les
amis européens. Que les pelleteuses, gros engins qui travaillent dans les mines
du Nord, sont conduites par des femmes. Que l’Armée, la Police, la Gendarmerie,
la Garde… comptent désormais des femmes dans leurs rangs. Que la femme qui a
des complications quand il s’agit de donner naissance à un bébé à Adel Bagrou,
à Toufondé Civé ou à Kermodii peut toujours être sauvée dans l’un des centres
proches où une césarienne peut être réalisée…
Mais on peut se dire aussi qu’on est loin de
réaliser ce fameux objectif d’un monde «où chaque grossesse est désirée»
et où «chaque accouchement est sans danger». Nous en sommes
encore loin, très loin. Les filles sont toujours «offertes» en mariage à
des cousins, de riches «gentilshommes», de vieux «sages» ou «shaykhs»
qui pourraient être leurs grand-pères. Qu’elles sont offertes alors qu’elles
sont en âge encore d’aller à l’école (moins de 12 ans). Qu’elles se retrouvent
enceintes alors qu’elles n’ont aucune expérience de la vie. Qu’il y a plus de
divorcées qu’avant parce que l’homme n’a aucun mal à pratiquer la polygamie
dans le temps et dans l’espace. Que la culture dominante aujourd’hui est celle
qui veut «garder» la femme au foyer. Que les prêches s’attaquent plus
aux femmes aujourd’hui qu’avant. Que les qualités (et qualifications) des
femmes ne sont pas reconnues universellement. Que le mépris caractérise encore
la perception dominante…
Et rappeler enfin que la situation actuelle de la
femme est un net progrès par rapport à l’institutionnalisation de certains
acquis, qu’elle constitue une régression en comparaison avec ce que la société
traditionnelle offrait et en rapport avec ce qui peut être.
La place qu’occupe la femme est centrale dans la
société. Elle est le gestionnaire des biens de la famille, parce qu’elle est la
maitresse sous la tente ou la case. Elle est l’honneur de la famille, c’est
pourquoi nos filles portent des prénoms qui évoquent la grandeur, la dignité et
l’honneur (Ezza, Karama, Charifa…). Elle est l’image que reflète le
groupe à l’extérieur, une image que chacun a le devoir de respecter, de soigner
et de laisser passer devant…
Cela se traduit dans notre société d’aujourd’hui
par sa présence dans le secteur commercial, dans son autorité à l’intérieur du
foyer, dans son paraitre parfois exagérément «soigné»… Cette place se
traduit aussi par une forte présence dans les batailles politiques. Une campagne
électorale est d’abord un fait féminin. Une manifestation de contestation
compte toujours plus de femmes que d’hommes (regarder les rues de Nouakchott). Les
femmes sont sans aucun doute, meilleures chefs d’entreprises, leaders plus efficients,
gestionnaires plus rigoureux… que leurs frères les hommes. Elles sont beaucoup
moins corrompues (voir la situation des comptables). Elles sont moins portées
sur l’exercice de l’arbitraire…
Il y a ceux qui luttent
contre la mixité dans les espaces publics (écoles, réunions, rencontres…), ceux
qui demandent à «réprimer la tendance naturelle des femmes à être tentées
par le Mal», ceux qui veulent instituer la polygamie, ceux qui imposent un
point de vue rétrograde aux femmes… Mais il y a aussi ceux qui croient que l’évolution
sociale, toute évolution sociale, commence par l’émancipation de la femme
mauritanienne qui est le seul front qui décidera du vrai changement dans ce
pays.