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vendredi 8 mars 2013

Aminetou ma sœur, ne vois-tu rien venir ?


Les années se suivent et avec elles les commémorations des ces journées, chacune dédiée à une cause qui ne semble jamais gagnée. C’est ici et maintenant la journée «internationale» de la femme. Cette journée est au moins l’occasion de méditer et d’évaluer le parcours des femmes, ne serait-ce que le temps d’une journée. Quid de la femme mauritanienne ?
Deux états s’offrent à nous. Le premier nous dit que la scolarisation est légèrement supérieure dans les rangs des filles que chez les garçons. Que les réformes politiques et institutionnelles permettent désormais d’assurer une représentation «acceptable» (en attendant mieux) des femmes dans l’Appareil politique, notamment le domaine électif. Qu’on a eu un gouvernement où l’on comptait six femmes dont certaines dans des postes-clés comme les affaires étrangères (le premier pays arabe et musulman à le faire), la fonction publique, la culture… Que nous avons désormais des femmes «Ambassadrices» dont l’une est encore en fonction et pas n’importe où, à Bruxelles, chez les amis européens. Que les pelleteuses, gros engins qui travaillent dans les mines du Nord, sont conduites par des femmes. Que l’Armée, la Police, la Gendarmerie, la Garde… comptent désormais des femmes dans leurs rangs. Que la femme qui a des complications quand il s’agit de donner naissance à un bébé à Adel Bagrou, à Toufondé Civé ou à Kermodii peut toujours être sauvée dans l’un des centres proches où une césarienne peut être réalisée…
Mais on peut se dire aussi qu’on est loin de réaliser ce fameux objectif d’un monde «où chaque grossesse est désirée» et où «chaque accouchement est sans danger». Nous en sommes encore loin, très loin. Les filles sont toujours «offertes» en mariage à des cousins, de riches «gentilshommes», de vieux «sages» ou «shaykhs» qui pourraient être leurs grand-pères. Qu’elles sont offertes alors qu’elles sont en âge encore d’aller à l’école (moins de 12 ans). Qu’elles se retrouvent enceintes alors qu’elles n’ont aucune expérience de la vie. Qu’il y a plus de divorcées qu’avant parce que l’homme n’a aucun mal à pratiquer la polygamie dans le temps et dans l’espace. Que la culture dominante aujourd’hui est celle qui veut «garder» la femme au foyer. Que les prêches s’attaquent plus aux femmes aujourd’hui qu’avant. Que les qualités (et qualifications) des femmes ne sont pas reconnues universellement. Que le mépris caractérise encore la perception dominante…
Et rappeler enfin que la situation actuelle de la femme est un net progrès par rapport à l’institutionnalisation de certains acquis, qu’elle constitue une régression en comparaison avec ce que la société traditionnelle offrait et en rapport avec ce qui peut être.
La place qu’occupe la femme est centrale dans la société. Elle est le gestionnaire des biens de la famille, parce qu’elle est la maitresse sous la tente ou la case. Elle est l’honneur de la famille, c’est pourquoi nos filles portent des prénoms qui évoquent la grandeur, la dignité et l’honneur (Ezza, Karama, Charifa…). Elle est l’image que reflète le groupe à l’extérieur, une image que chacun a le devoir de respecter, de soigner et de laisser passer devant…
Cela se traduit dans notre société d’aujourd’hui par sa présence dans le secteur commercial, dans son autorité à l’intérieur du foyer, dans son paraitre parfois exagérément «soigné»… Cette place se traduit aussi par une forte présence dans les batailles politiques. Une campagne électorale est d’abord un fait féminin. Une manifestation de contestation compte toujours plus de femmes que d’hommes (regarder les rues de Nouakchott). Les femmes sont sans aucun doute, meilleures chefs d’entreprises, leaders plus efficients, gestionnaires plus rigoureux… que leurs frères les hommes. Elles sont beaucoup moins corrompues (voir la situation des comptables). Elles sont moins portées sur l’exercice de l’arbitraire…
Il y a ceux qui luttent contre la mixité dans les espaces publics (écoles, réunions, rencontres…), ceux qui demandent à «réprimer la tendance naturelle des femmes à être tentées par le Mal», ceux qui veulent instituer la polygamie, ceux qui imposent un point de vue rétrograde aux femmes… Mais il y a aussi ceux qui croient que l’évolution sociale, toute évolution sociale, commence par l’émancipation de la femme mauritanienne qui est le seul front qui décidera du vrai changement dans ce pays.