L’Imam de la mosquée de notre quartier a dédié son
prêche aux problèmes de sécurité qui inquiètent les Nouakchottois aujourd’hui. Il
a expliqué que tout relève de la responsabilité des parents qui laissent leurs
enfants se nourrir d’une culture entretenue «par les feuilletons étrangers». Prétexte
de faire un sermon sur la nécessité d’un retour au système «originel» - au sens
salafiste – de l’éducation et de l’apprentissage. Comme quoi…
Les évènements des dernières semaines inquiètent effectivement,
mais doivent surtout interpeller et pas seulement les forces de l’ordre, mais l’ensemble
de la société bien-pensante du pays.
Pour la plupart – au moins trois sur quatre – des crimes
commis l’ont été par des jeunes de quartiers sur un cousin ici, un compagnon
là. Le bourreau présumé et la victime se connaissaient et évoluaient dans le
même cercle. Ce pour lequel ils se battaient est infiniment «petit» par rapport
au résultat qui est mort d’homme.
Ce qu’il faut mettre en cause ici, c’est d’abord le «cumul
de violence» qui fait que l’un des protagonistes peut perdre la raison et
poignarder son proche. De quoi est née cette sourde violence ? Il y a l’environnement
immédiat, la famille où tous les rapports sont régis par la violence. Des mots,
des gestes souvent. Les couples mauritaniens fondés le plus souvent sur des
bases aléatoires – parenté, intérêt, rarement convenance et amour – sont appelés
à entretenir une ambiance nocive en leur sein.
Il y a quarante ans, des campagnes de modernisation de
la vie des couples – de leur formation à leur pérennisation – faisaient la une
des salons des villes et des campagnes. Mouvements politiques, structures
étatiques, médias publics, Erudits, écoles, artistes chantaient les amours qui
se concluaient par la formation d’un couple heureux, militaient pour l’élaboration
d’un code de la famille, une sorte de statut général de la personne
garantissant à la femme des droits qu’on croyait définitivement acquis. Parmi ces
droits, celui de choisir son mari, de pouvoir le dénoncer s’il viole les
préceptes reconnus, le mariage devenant un contrat. Il y a aussi l’âge de
mariage, la responsabilité des parents…
Nous avons été rattrapés par la ruralité depuis. Les parents
ont recommencé à marier leurs filles à 9 ans souvent par arrangement. Les traumatismes
au sein des couples sont de plus en plus intenses et dévastateurs. C’est
justement ce que le suicide de cette fille du territoire, quelque part dans la
région de R’Kiz, vient nous rappeler. Ce suicide est une interpellation pour
les consciences modernistes de ce pays. Ce doit être un électrochoc pour
réveiller les consciences et les amener à dépoussiérer le Code de la famille et
à le faire revisiter par les autorités et les leaders d’opinion. Dans la
foulée, parler des fractures qui sont en chacun de nous et de celles qui nous
divisent, en tant que communautés, en tant que familles. Le Mal est là. Pour le
traiter c’est ici qu’il faut agir. Pas seulement en contribuant à électrifier
une atmosphère déjà (trop) lourde.