C’est
pendant une réunion de parents d’élèves, hier lundi. Une première dame prend la
parole pour demander à l’administration de l’école de tout faire pour «redresser»
les enfants, surtout les coiffures avec des chignons, des «crêtes» pour
imiter telle ou telle star du ballon… «C’est dangereux pour notre culture si
nos enfants commencent à copier les autres…»
C’est
autour d’un monsieur de parler. Il rejoint la dame dans la nécessité d’une
discipline de fer. «Surtout pour les filles qui ont besoin d’être
surveillées de près. Nous demandons de maintenir la séparation…». Une autre
dame lui emboite le pas pour dire qu’elle est éducatrice, directrice même d’établissement.
Son soucis elle, c’est d’obliger les enfants à se «comporter correctement».
Il faut «tuer chez les filles toute volonté d’être ce qu’elles sont
naturellement» (neke’mou dhaak illi tabi’i viihum). Un autre : «Il
faut faire de cette école un haut lieu islamique où filles et garçons sont
habillés selon les préceptes de la Sainte religion, où il est interdit d’utiliser
le khôl, de se mettre en valeur pour les filles, pour les garçons de se coiffer
comme les joueurs de ballon…»
Ils
étaient tous des cadres, enseignant, journaliste, médecin… Tous ceux qui ont
parlé pour tenir un discours aussi rétrograde avaient moins de 55 ans, deux d’entre
eux avaient à peine 40 ans.
Tout
ce qu’ils disaient exprimait deux états tout aussi dangereux l’un que l’autre. Le
premier nous éclaire sur les véritables raisons qui poussent certains parents à
envoyer leurs enfants à l’école. En fait, c’est juste pour les occuper et
essayer de trouver cette autorité qu’ils n’ont pas pu leur imposer eux-mêmes. Parce
que durant l’heure de discussions, aucun père (ou mère) n’a soulevé un problème
pédagogique, rien que l’exigence de discipline pour «redresser» le
comportement des enfants.
Le
deuxième éclairage concerne l’état d’esprit de nos concitoyens qui ont connu
une régression (au sens de la psychanalyse) formidable. L’obscurantisme ambiant
a eu raison de l’évolution et du modernisme de la société. Qui faisait qu’on
percevait l’école comme un lieu d’ouverture et d’acquisition de connaissances
nouvelles, donc d’accomplissement. Permettant aux futures générations de se
construire selon les besoins du moment.
Ce qu’il reste à espérer, c’est bien un conflit de
génération qui amènerait à une rupture avec cette chape de plomb que la pensée
obscurantiste essaye d’étaler sur la société pour la domestiquer et l’empêcher
d’avoir les ressorts nécessaires à l’intelligence pour avancer sur la voie de
la Modernité. La seule qui vaille.