L’initiative
du Président de l’Assemblée nationale, président de l’Alliance populaire
progressiste (APP), a été rendue publique en grande pompe cette après-midi. Il a
choisi pour ce faire le Palais des Congrès où se tenaient, il y a quelques
heures encore, les assises des journées de réflexion de l’Union pour la
République (UPR), le parti dit au pouvoir. Aucun lien entre les deux
évènements.
La
cérémonie de lancement arrive des mois après le lancement réel de l’initiative.
Et chacune des parties a déjà dit ce qu’elle en pensait. On peut dire donc que «le
repas a été entamé alors même qu’il était en cuisson» pour reprendre les
termes célèbres d’un historien dont le travail a été pillé avant sa publication.
Plusieurs avis qui ont été confirmés à l’occasion du lancement solennel de
cette initiative.
Le
premier est celui qu’exprime une partie de la Coordination de l’opposition
démocratique (COD) pour laquelle il s’agit là d’une reconnaissance de l’échec
du dialogue dans lequel Messaoud Ould Boulkheir a été le facilitateur central. Opinion
logiquement exprimée par Jemil Ould Mansour, le leader de Tawaçoul qui trouve
que Ould Boulkheir, à travers son initiative reconnait l’existence d’une crise
que le dialogue réalisé entre la Majorité et une partie de l’Opposition n’a pas
pu résoudre.
Pour
Mohamed Ould Maouloud de l’UFP et Saleh Ould Hanenna de Hatem, l’idée de mettre
en place un gouvernement d’union nationale dont l’action sera indépendante
vis-à-vis du Président de la République est bonne. Surtout qu’elle doit ouvrir
à leurs yeux sur le départ de celui-ci. C’est l’opinion la plus partagée – l’espoir
déclaré – au sein de la COD.
Pour
certains pans de ce qu’il est convenu d’appeler la Majorité, c’est l’occasion
de relancer le débat autour de l’ouverture du gouvernement sur d’autres
composantes et d’entrevoir quelques rôles pour eux. Mais la Mauritanie dans
tout ça ? la démocratie dans tout ça ? la logique ? le rapport
de force ? l’équité ? l’opportunité ?
En
décembre 2010, alors qu’on était en plein processus d’ouverture des acteurs
politiques – les symboles acceptant de se rencontrer, de s’afficher ensemble -,
on va assister à une radicalisation des positions qui atteint rapidement l’extrême :
l’Opposition démocratique demande le départ du Président Mohamed Ould Abdel
Aziz qui adopte à son tour une attitude de rejet vis-à-vis de cette Opposition
qui a mis la barre très haut.
«Inspirée»
par ce qui s’est passé en Tunisie et en Egypte, cette opposition mobilise,
depuis, tous ses moyens. Quand le Président de la République est victime d’un
accident de tir, elle est déjà à bout de souffle. Sans avoir pu imposer le
départ du régime, elle a été incapable d’imaginer une porte de sortie en usant
de «l’art du possible». Au lieu de profiter de ce moment de «faiblesse»
du régime pour donner ses preuves dans l’attachement à la stabilité du pays et
à sa cohésion, certains acteurs y ont vu au contraire l’opportunité de faire
trembler les fondements du régime par rumeurs interposées. Cela, comme les
manifestations demandant le départ, a fini par profiter plutôt au régime qui a
fait la démonstration de sa cohésion et de la vanité de ses détracteurs.
A
tous, la proposition de Messaoud Ould Boulkheir est une aubaine qui peut sortir
de ce «trou noir» où ils se sont retrouvés. Mais pour le pouvoir ?
A
quoi peut servir un gouvernement d’union nationale et sur quelle base peut-il
être formé ? Qu’est-ce qui peut pousser aujourd’hui Ould Abdel Aziz à
accepter l’idée de formation d’un tel gouvernement ? Est-ce qu’il est aux
abois ? Est-ce qu’il a besoin des propositions de gouvernance élaborées de
l’autre côté et lesquelles ? A-t-il besoin de remettre en scelle une élite
formée dans les classes qu’il dit combattre ?
Nous
avons l’impression aujourd’hui que seule la participation à la gestion des
affaires publiques importe aux acteurs qui se démènent, y compris ceux qui s’en
défendent le plus. C’est très grave quand on comprend que les malheurs du Mali
viennent de la démarche qui consiste à mettre en place un gouvernement d’union
nationale. Ce qui a tué l’opposition donc le contrepouvoir.
Evitons
le syndrome malien et comprenons que le front intérieur, pour se refaire et se
consolider, a juste besoin d’acceptation des uns par les autres. Cette acceptation
suppose l’application stricte du droit, la réalisation de la justice, la
réhabilitation du mérite, la promotion de l’équité et le refus de l’exclusion. Si
l’on fait cela, que ceux qui ont été élus pour un mandat respectent leurs
engagements, que les autres les obligent à cela dans l’intérêt de la démocratie
et du pays.
Il
faut certes un peu de sérénité pour normaliser les rapports faits d’antagonismes
de plus en plus aigus dans notre société : trop de violence couve à
présent. Parce que seule la sérénité dans les rapports peut nous faire éviter
les dérives qui menacent. Mais qui veut de cette sérénité ?