Tout
y était, même la grisaille d’un temps bâtard où un vent chargé de poussière se
lève pour retomber immédiatement, comme s’il s’agissait de rappeler aux humains
la précarité de l’environnement dans lequel ils se meuvent.
Il
y avait là tout pour me rappeler quelques (mauvais) souvenirs d’un passé que
nous tentons, inconscients que nous sommes, d’enfouir dans nos têtes, comme si
les images appartenaient à une autre époque, un autre monde…
C’était
l’époque du «complot permanent», celle qui a vu la plus grande partie de
ceux que le pays comptait en termes d’élites «dérangeantes» passer entre
les mains de la police, le plus souvent aller jusque devant les juridictions,
pour finir en «dépôt» à la prison, avant de bénéficier d’une liberté
provisoire… Mais en fait, on se disait à l’époque que nous étions tous en
liberté provisoire. Au moins dans l’aspect aléatoire de cette liberté : on
pouvait aller en prison pour …rien. La mise en scène s’accompagnait d’un
cérémonial destiné à faire «partager» les malheurs de ceux qu’on a
décidé de cibler : parents et amis doivent souffrir dans l’attente de
savoir ce qu’il adviendra des leurs en train d’être «entendus» par un
Procureur dont on sait à l’avance les choix…
Hier,
devant le Palais de Justice de Nouakchott, quelques dizaines de personnes
attendaient pour savoir ce qu’il adviendra de Mohamed Ould Debagh,
vice-président du Groupe BSA qu’on accuse d’avoir «mis en banqueroute»
la société Mauritanie Airways. Comme par hasard au moment où le Groupe auquel
il appartient subit plusieurs «ciblages» (fisc, BCM…).
Quand
j’apprends que le Procureur qui l’entend n’est autre qu’un Magistrat qui a été
un «confrère», je sais d’avance que mon ami passera la nuit en prison. Quand
il faisait ses premiers pas dans une «certaine presse», en fait comme chef
de rédaction dans le complexe Al Bouchra et la Vérité – deux journaux créés à l’époque
pour insulter, vilipender tous ceux qui sont dans la ligne de mire d’un pouvoir
boulimique d’arbitraires, l’une des victimes les plus prisées de ces deux
journaux était… Mohamed Ould Bouamatou et son Groupe naissant. Comme le Destin «arrange»
les choses, voilà que le Groupe est encore «livré» à celui qui a «ouvert
(grands) les yeux» sur le Monde dans un univers comme celui d’Al Bouchra et
de la Vérité…
Qu’importe
si Ould Debagh dont le Groupe ne détenait pas 40% de Airways (51% aux
Tunisiens, 10% à l’Etat mauritanien). Qu’importe si rien n’engageait sa
responsabilité dans la gestion de la société. Qu’importe s’il a, en tant que
président du Conseil, essayé et réussi à régler tous les arriérés des
travailleurs n’ayant pas pu trouver du travail. Qu’importe s’il a préservé
scrupuleusement le patrimoine de la société après sa faillite. Qu’importe si
les travailleurs, dans leurs premiers mouvements de protestations, s’étaient
toujours adressés à l’Ambassade de Tunisie et ont toujours dirigé leurs actions
contre les Tunisiens. Qu’importe si… qu’importe… Ould Debagh devait aller en
prison… il y est. Pour combien de temps ? Peu importe dans la mesure où il
n’en souffrira pas, où personne de ses proches n’en souffrira…
Ma
petite Teti, ce que ton esprit d’enfant doit retenir c’est que ton père, mon
ami, mon frère, n’a pas volé, n’a pas trahi, n’a pas menti… d’ailleurs ce n’est
pas pour des raisons pareilles qu’on va en prison chez nous…