Les
images ont défilé en cette journée de samedi (2/2). Celles d’un Mali recevant
un «libérateur» en la personne de François Hollande, puis celles d’un Mali
fêtant sa qualification pour les quarts de finale de la Coupe d’Afrique des
Nations. Autant les premières dérangeaient, autant les secondes faisaient
plaisir.
Un
Mali qui passe toutes les grandes équipes en faisant preuve d’un engagement
très fort, d’une grande adresse dans le jeu, et d’une volonté d’aller jusqu’au
bout. C’est ce que nous avons vu le Mali développer sur la pelouse du stade de
Durban en Afrique, malgré la présence de milliers de supporters adverses. Un Mali
solidaire malgré l’expression nette de quelques individualités, de quelques
grandes valeurs…
Un
Mali incapable dé ragir de lui-même à ce qui lui arrive, d’assumer, de se
prendre en charge, de régler par lui-même ses problèmes, de les poser de façon
correcte, d’imaginer un avenir commun, de relever les défis immédiats…, c’est
ce que nous avons vu à Sévaré, Tombouctou et Bamako.
La
parade du Président François Hollande aura servi à mettre à nu les faiblesses
de l’entreprise, mais surtout la démission des élites maliennes. Lesquelles ont
déserté le terrain de l’action depuis bien longtemps.
Comment
expliquer l’absence des élites maliennes de la scène en des moments
pareils ? Où sont passés les grands artistes qui nous émerveillaient par
l’exercice d’un art qui a bercé une Histoire millénaire ? Où sont-ils ces
politiques et militants qui ont payé pour la libération de l’homme malien
imposant les premières transitions pacifiques sur le continent africain ?
Où sont ces grands sportifs qui se sont imposés en modèles à la jeunesse
africaine ? Où sont-ils ces professeurs, ces historiens, ces économistes…
qui ont peuple nos vues des décennies entières ?
Samedi
dernier, la scène malienne était déserte de tous ceux-là. On a certes vu le
Président François Hollande faire un bain de foule à Tombouctou où il a été
reçu par une partie de la population (il n’y avait aucun Touareg, aucun Arabe
et peu de Peulhs dans la foule). On l’a vu discourir devant quelques dizaines
(moins de mille) de personnes venus l’acclamer à Bamako. On l’a vu se démener
pour trouver un rôle à son accompagnateur, le Président par intérim Dioncounda
Traoré. On a vu celui-là interpeller gentiment les officiers français (pas les
Maliens). On a vu le Président François Hollande recevoir un jeune dromadaire
en cadeau de la part de quelques représentants de la population. Mais là on a
surtout vu un «jeune» dromadaire entouré par une foule qui lui faisait peur et
qui ne savait pas comment le traiter. Toute l’image de l’artifice se résumait
dans cette scène. Tous ceux qui s’agglutinaient autour de l’animal qui
blatérait sans cesse, avaient justement peur de ses réactions et l’animal,
naturellement, devait être traumatisé par l’épreuve.
On
pouvait attendre des élites maliennes qu’elles nous disent, qu’elles disent au
Président François Hollande et au Monde ce qu’elles peuvent faire pour leur
pays, ce qu’elles entendent faire de leur pays. Sinon de les entendre dénoncer
que les Institutions du Mali soient mises à l’écart dans cette opération de
recouvrement de la souveraineté. Les élites maliennes devaient en profiter pour
exprimer un état d’esprit, celui qui les anime réellement.
Est-elle
d’accord avec le processus engagé par la communauté internationale ?
comment voit-elle l’avenir ? que faut-il faire pour refaire l’unité du
pays et de son peuple ? quels rôles pour la classe politique et
intellectuelle ?
Au
moment où le Président François Hollande parade victorieusement sur le sol
malien «libéré», des exactions sont commises par des éléments de l’Armée
malienne, par des éléments de la police, de la Gendarmerie, par une foule
excitée et déchainée… Pas seulement à l’encontre des Maliens accusés d’avoir
prêté main forte aux Jihadistes ou soupçonnés d’avoir de la sympathie pour eux,
mais aussi de Mauritaniens, simples voyageurs traversant le territoire malien
ou résidents tranquilles participant au maintien d’un semblant de normalité. Délit
de faciès…
Pas
un jour ne passe sans qu’on apprenne l’arrestation, l’expropriation, parfois la
molestation et même la torture de citoyens mauritaniens par des éléments de
l’Appareil sécuritaire malien. Impunité et indifférence.
Ici
aussi, nous attendons l’avis des élites maliennes. Depuis trop longtemps, nous
espérons les entendre dénoncer les agissements inconsidérés et graves vis-à-vis
de nos compatriotes. Nous avons accepté de nous taire sur l’assassinat de 13
innocents prédicateurs désarmés par l’unité de Djiabali. Il est temps pour la
presse malienne de tirer la sonnette d’alarme, pour son gouvernement d’agir,
pour ses élites de réagir.