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lundi 14 janvier 2013

Les pièges de cette guerre


La guerre a commencé. Une guerre qui nous concerne directement. Pour plusieurs raisons, nous ne pouvons et ne devons être loin de ce qui se passe dans le Nord malien. Cela nous concerne. Plus, cela fait partie des déterminants de notre avenir.
La Mauritanie est le premier pays à souffrir de la présence des groupes terroristes dans le Septentrional malien. Plusieurs attaques ont été perpétrées contre notre pays qui a dû faire face, pratiquement seul, à la menace. Il a fallu payer le prix politique de la réorganisation des forces armées, puis celui de la mise en œuvre d’une stratégie à même de faire reculer la menace. On se souvient des accusations et des attaques politiques subies par les autorités soupçonnées de «mener une guerre par procuration», comme si les morts de Lemghayti, de Tourine, de Ghallawiya et d’ailleurs n’étaient pas des soldats mauritaniens tués dans leur pays alors qu’ils essayaient de remplir leur mission de défense dans les pires des conditions. Et ce sont justement ces conditions qui ont changé ces trois dernières années. La Mauritanie cueille aujourd’hui les fruits de cet effort qui permet de souffler et d’éviter la contamination.
Mais ce n’est pas parce que la France est notre premier allié, ce n’est pas non plus parce que ces groupes ont continué de menacer le pays après l’avoir attaqué plusieurs fois, qu’on peut, sous prétexte d’un consensus international et d’un mandat de l’ONU autour d'une requête malienne, participer directement aux opérations tant qu’une solution globale n’est pas trouvée.
Cela passe par la reconnaissance solennelle des droits des populations du Nord malien (Touaregs, Arabes, Songhaïs, Peulhs…), en même temps que se déroulent les opérations. On doit déjà exiger que soit mise en œuvre une approche qui pourrait satisfaire les doléances légitimes de ces populations qui font partie intégrante de l’ensemble malien. A plusieurs reprises, durant le siècle dernier, on a fait semblant de trouver une solution. Il ne s’agit plus de «faire semblant» mais d’imposer la mise en œuvre de la solution qui aura été l’objet d’un accord entre le Nord et le Sud sous l’égide de la communauté internationale. Enterrer définitivement les causes qui menaient fatalement à cette rébellion cyclique. Mais seul un gouvernement malien légitime peut négocier cette solution, un gouvernement issu d’un consensus de la classe politique (de ce qui en reste) et des acteurs sociaux. Pas celui qui a été imposé au nom d’une légalité mille fois violée. 
En face, le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), dans une moindre mesure le Front des Arabes, ceux de Ansar Eddine qui accepteront de renoncer aux rapports avec Al Qaeda et filiales et donc à la violence et à la sédition, les milices ethniques (Peules, Songhaïs…), devraient être associés à l’accord à trouver. Il s’agit pour le Mali de faire la paix et pour la région d’éviter la partition du Mali et de mettre fin aux activités criminelles des groupes et milices qui sont là depuis trop longtemps.
Le cliquetis des armes et l’ivresse des premières victoires contre des groupes somme toute obligés à abandonner leurs positions sous les coups répétés de l’aviation, ne peuvent faire oublier les problèmes réels qui ont conduit plusieurs fois à la sédition dans ces régions. Ils ne doivent pas non plus occulter un fait : c’est bien sur ce genre de situation où l’intervention occidentale est évidente que se nourrit Al Qaeda. Elle vient donc de réussir la première étape de sa stratégie qui est celle d’amener des forces étrangères sur le théâtre des opérations. Comment éviter la propagande favorable à l’organisation autour de la question ? C’est une question qui devra être rapidement traitée par les parties prenantes, à défaut de quoi elle se retournera contre eux. L’arme de la communication est terrible. Et un appel d’un président par intérim ne suffit pas à lui seul pour légitimer une guerre et une occupation. Surtout que parmi les chefs de guerre ayant occupé Konna figurent bien des fils de la ville. Comment faire pour que cette guerre qui vise effectivement à «sauver» le Mali de la déferlante terroriste venue du Nord, ne se transforme pas en guerre de libération contre un occupant «impérialiste» ?
Notre pays, tout en s’abstenant de participer directement, se contentera de protéger ses frontières pour éviter les débordements inévitables en pareilles circonstances. Tout en apportant son soutien politique et moral à l’effort de la communauté internationale dont le fer de lance est la France, un allié sûr de la Mauritanie, notre pays doit être le plus ferme à rappeler «le principe de l’intangibilité des frontières héritées de la colonisation» tout en poussant vers la satisfaction des exigences des populations du Nord pour en finir définitivement. C’est, depuis le début, la position de la Mauritanie, celle plusieurs fois exprimée par ses premiers responsables. Il s’agit à présent de travailler pour une rupture avec la gestion et les méthodes du passé. C’est le prix à payer pour une paix réelle au Mali et une sécurisation du Sahel.