Je
ne l’ai pas connu vraiment. Il était discret et n’aimait pas s’ouvrir à la
presse. Ce qui fait que je n’ai échangé avec Ba M’Baré que deux fois dans sa
vie. La première à Maghama où il recevait le Premier ministre venu lancer les
fameux projets de «Maghama décrue».
Il
était une fraiche «recrue» de la Majorité au pouvoir. Mais le discours qu’il
tenait était encore celui de la critique acerbe. La deuxième fois que j’ai eu à
discuter avec lui, c’était beaucoup plus tard alors qu’il était déjà président
du Sénat. Une discorde l’avait opposé à l’un de ses collaborateurs. La divergence
avait vite pris l’allure d’un conflit ethnique qui pouvait déterminer l’avenir
de la Nation. Tellement, la campagne contre Ba M’Baré était forte. Il m’avait
appelé pour m’expliquer que la presse avait le droit de tout écrire sur lui
sauf qu’il est raciste. Il me semblait profondément affecté par ce que certains
avait dit et écrit sur son passé et sur ses sentiments vis-à-vis de toutes les
composantes de la Nation.
Je
le rassurai quant à ce que notre journal pouvait écrire et sur l’importance
pour nous de ce genre de questions trop sérieuses pour être évoquées à tout
bout de champ. Je lui avouais que je ne le connaissais qu’à travers la forte
relation qui le lie à Maurice Benza, homme d’affaires et ancien député d’Akjoujt.
Cette relation et l’attachement de ce dernier à sa personne suffisaient
amplement à mes yeux pour lui réserver un préjugé favorable… Il exprima un
sentiment mitigé : même s’il appréciait bien son ami, le vieux chef
Denianké qu’il était m’en voulait de l’apprécier à travers un tiers, il avait
certainement raison.
La
stature et le parcours de l’homme en faisaient une personnalité de premier plan
dans ce pays. Et tout observateur digne de ce nom se devait de connaitre l’homme.
Le
peu que je connais de lui me fait dire qu’il avait les qualités d’un guerrier
de son rang : candeur, franchise, courage et spontanéité. Je crois aussi
qu’il avait un sens aigu de l’honneur et de la modération dans les engagements.
Il
a très tôt rejoint les rangs de l’opposition à Ould Taya, puis il a rejoint ce
camp, sans fracas, sans théâtralité. Elu
sénateur de Maghama, il fut choisi comme président de cette institution. Avec des
supputations autour de sa personne, de ses choix politiques, de ses
fréquentations, et même de sa nationalité (on ne recule devant rien ici)… si
bien que la perspective de le voir investi comme président par intérim en
inquiéta plus d’un. Pourtant, Ba M’Baré restera égal à lui-même. Toujours sans
fracas. Une chance pour le pays à un moment où toutes les dérives étaient
envisageables… et même probables.
Le
premier Président négro-africain du pays – au moins pour quelques mois – s’en
est allé en toute dignité, en silence… «seule le silence est grand… tout le
reste est faiblesse»… et Ba M’Baré, vieux guerrier qu’il était, n’aimait pas les
faiblesses.
C’est
à Allah que nous appartenons et c’est à Lui que nous revenons.
Que sa famille, que ses amis et fidèles compagnons,
que ceux de Wali, de Toulel, de Maghama et tous ses proches trouvent ici l’expression
de nos condoléances les plus attristées.