C’est aujourd’hui que la première tranche de la contrepartie prévue par l’Accord
de pêche entre l’UE et la Mauritanie a été versée au trésor public mauritanien.
Soit un total de 27 milliards d’ouguiyas non inscrits au budget, comme un
bonus, un surplus qui devra servir à soutenir les efforts dans la construction
de nouvelles infrastructures (routes, santé, éducation, barrages…)
Ce versement met fin définitivement à toutes les supputations concernant la
non effectivité de l’Accord et le refus des Européens de l’honorer. Il est
attendu, en plus de la contrepartie financière, que la mise en œuvre de l’Accord
permette la création de milliers d’emplois qui pourront résorber le chômage
dans le milieu de la pêche.
Chapeau aux négociateurs mauritaniens qui ont pu tirer le maximum de cette
ressource qui a longtemps été l’objet d’un pillage systématique fruit d’une
complicité entre fonctionnaires véreux et opérateurs gourmands. Nous avons eu les
licences distribuées sous forme de prébendes assurant un clientélisme politique
et affairiste, le clonage de bateaux – quand la même licence peut servir à deux
bateaux et plus affichant les mêmes spécificités, le bradage des sociétés
publiques au profit de particuliers dans des conditions plutôt opaques… qu’est-ce
qu’il n’y a pas eu dans le secteur en terme de mauvaise gestion ?!?!
La mise en œuvre de l’Accord arrive au moment où l’on vient de créer un
corps – celui des Gardes-côtes – spécialement dédié à la surveillance et à la
sécurisation de notre zone maritime. Fusion de la marine et de la surveillance
maritime et des pêches, ce nouveau corps va reprendre les missions des deux
entités, ce qui est plus logique. Le Conseil des ministres de cette semaine a
nommé l’un des jeunes officiers de la Marine à la tête de ce corps. Le commandant
Moustapha Ould Maaloum est un jeune officier dont le sérieux, le
professionnalisme et l’intégrité sont plutôt reconnus dans le milieu de la
Marine nationale. Sa nomination est un bon présage révélant la volonté
politique de réformer le secteur et de faire les choix qu’il faut.
Elle coïncide aussi avec cette circulaire du ministre des pêches qui
interdit désormais de consigner plus de dix bateaux et de 200 marins. 200
marins, à peu près 4 bateaux pélagiques… La décision est présentée comme une
volonté des autorités de se libérer de la pression de «quelques opérateurs qui
consignent l’ensemble de la flotte opérante en Mauritanie et qui refusent
parfois d’honorer leurs engagements vis-à-vis des marins créant des problèmes
sociaux sur la place de Nouadhibou…» Ceux qui sont pour y voient la possibilité
d’ouvrir le secteur à de nouveaux intervenants.
Dans le contexte actuel la
décision parait plutôt comme l’expression d’une volonté de bouter les
opérateurs traditionnels – quelques quatre ou cinq groupes qui se partagent le
secteur – pour les remplacer par d’autres. Il est à rappeler qu’à chaque
changement de régime le processus de «renouvellement de la classe des
opérateurs» a été enclenché. La première étape a consisté à imposer aux
opérateurs non européens les conditions de l’Accord européen qui fixe la tonne
pêchée de pélagique à 470 dollars alors que ces opérateurs ne sont pas
subventionnés comme les Européens. Le prix du marché international ne
permettant pas de marge sensible, ces opérateurs ont préféré se retirer. Alors qu’il
ne leur restait plus qu’à déclarer faillite, les consignataires mauritaniens
qui croyaient pouvoir trouver une solution avec les autorités ont été pris de
court par la décision du ministre de faire éclater le marché de la consignation.
Sans concertation. Il faudra attendre le retour effectif de la flotte
européenne pour voir comment le nouveau dispositif va fonctionner… ou s’il va d’ailleurs
fonctionner.