Tu
es encore là ! sacré pic qui n’a l’air de rien et qui reste le cœur de «son»
milieu. Quand je suis passé la dernière fois, tu m’avais sérieusement inquiété
avec tes airs de jeunesse. Le bon hivernage t’avait donné une nouvelle vigueur,
avec la verdure qui arpentait tes flancs et les arbres bien debout comme
prétendant à toucher les cimes des cieux… Tu paraissais alors heureux de vivre
et d’être là.
Ce
n’est pas parce que le soleil descend inexorablement que tu es aujourd’hui tout
décrépi. Ce n’est pas la peur de la nuit qui prend possession du Monde qui te
donne cet air inquiétant. Ce n’est pas le froid glacial de ces jours qui t’affecte.
C’est vrai que tu as repris tes couleurs d’antan, celles qui s’apparentent à la
«grisaille» des vieilles pierres, des pierres tellement vieillies qu’elles
laissent pousser des «poils». C’est vrai que tu es toujours là alors que tous
ceux qui ont compté pour toi sont partis…
Tu
as appris la mort récente de Shaykh Mouhammad Ould Hmahalla, ce monument de
piété, de savoir et de dignité… Comme tous les autres, il s’en est allé pour un
voyage qu’il avait très bien préparé.
Je
suis venu dans cette maison où il prodiguait un enseignement religieux complet.
Comme des temps anciens. Sa candeur, sa force de caractère lui permettaient de
maintenir cette école à travers le temps. Une école certes de savoirs, mais
aussi de valeurs immortelles.
C’est
peut-être le moment de me dire la cause profonde de cette tristesse qui semble
te gagner. Tu vois les gens partir, ceux qui t’ont célébré et ceux qui n’ont
fait que passer à côté préférant parfois te contourner pour ne pas avoir à
escalader cette hauteur que tu es. Ce n’est pas ça… Tu étais fier de rester là
malgré le temps qui passe, malgré les flétrissures du temps qui passe, malgré
les changements du temps qui passe… De rester, unique témoin d’un temps qui ne
sera plus, de gens qui ne seront plus… Où est passée cette fierté ? Cette
fierté qui faisait de toi un «quelqu’un» de supérieur… pas comme Aqangass ou
Bou’leyba, ni El Barraaniya… tous ceux-là n’ont pas survécu au temps qui passe,
toi si ! Alors où est passée cette fierté de vivre qui t’animait, toi «l’objet
inanimé» ?...
…La solitude… c’est la solitude qui a eu raison de toi…
de toi aussi… même de toi…