«Remarquons que les trois grands
pôles politiques sont actuellement dirigés par des hommes qui avaient, à
l’époque, fait allégeance à l’ancien dirigeant libyen Mouammar Khaddafi au
cours d’une cérémonie «épique» à l’époque savamment utilisées par la propagande
libyenne. Il s’agit bien sûr de Saleh Ould Hanena président de la COD,
d’Ethmane Ould Ebou Maaly président de la coalition des partis de la majorité
présidentielle et Abdesselam Ould Horma président de la CAP Coalition pour une
alternance pacifique».
Sans ce papier de notre confrère Le Quotidien de Nouakchott, la
chose serait passée inaperçue. Pourtant elle mérite d’être relevée. Le 22 mars
2010, un groupe d’acteurs politiques mauritaniens avaient fait solennellement
allégeance au Guide libyen, Moammar Kadhafi. Parmi ces trois hommes qui se
trouvent aujourd’hui à la tête des trois principales coalitions politiques qui
se font face en Mauritanie.
Oublié le temps où leur acte était unanimement dénoncé par la
classe politique, intellectuelle et médiatique. Oublié ces heures de
questionnements sur les véritables intentions des «assujettis» et de leur «souverain».
Oublié les accusations de trahison… Sous ces latitudes, on ne fait qu’oublier…
Chaque opérateur peut se targuer du parcours qu’il veut, se faire
une virginité le moment qu’il veut, on ne retient rien de ce que l’un ou l’autre
a dit, a fait. Rien de son position antérieur. C’est ainsi que nos chers
bourreaux d’hier se présentent aujourd’hui à nous comme s’ils n’ont jamais tenu
un fouet. Les prédateurs, comme s’ils n’ont jamais pillé récoltes et
ressources. Les mauvais génies, comme s’ils n’ont jamais inspiré de mauvais
actes. Je m’en vais vous saouler encore avec la question de notre rapport au
temps. Parce que je crois qu’elle est à l’origine de ce défaut d’ancrage
historique. Il y a quelques années je concluais un article sur le temps dans la
poésie de chez nous :
«Si la tendance des poètes du monde a été
celle de pleurer hier, d’ignorer ou de mal supporter aujourd’hui et de craindre
demain, le poète saharien y a ajouté une recherche constante d’amalgame et de
mélange d’époques et de dates. Perdant la notion du temps. Refusant de se plier
aux lois du temps qui avance. Campant définitivement dans le temps dont il a
finalement fait un lieu, un espace.
Je
répète donc que notre poète – de tous temps – n’a fait que traduire une
conscience sociale qui nous façonne. Cette conscience est faite de négation
du progrès (le temps n’avance pas), de refus du changement (le temps
est la répétition du présent), et «d’annulation» de l’Histoire (le temps
ne permet pas l’accumulation des expériences humaines).
En l’absence de notion de progrès, de changement et
d’Histoire, la dynamique sociale est annihilée. Ne nous étonnons point de voir
que l’espace est occupé par les mêmes personnes depuis plus d’un demi-siècle.
Que ces personnes n’entendent pas se démettre. Que l’alternance est donc
impossible. Nous dirons toujours que la demande social de changement n’existe
pas parce qu’elle commence par l’exigence de renouvellement des acteurs, par la
rénovation dans les lois du jeu (égalité, équité, transparence) et par la
capitalisation effective de nos expériences passées. Autrement dit et avec plus
de trivialité, nous dirons que ce dont nous souffrons aujourd’hui est d’abord cette
relation avec le temps».