C’est
une bourgade située à mi-chemin entre Néma et Aïoun. Petite par la taille,
grande par la notoriété et le poids de l’Histoire. Nous sommes ici dans le
campement d’Ehl el Mokhtar – traduction vulgaire de l’expression «zmâne Ehl el
Mokhtaar» mille fois chanté par les poètes les plus inspirés. Quelque part ici
une muse, une égérie pour Wul Tarumba, pour Cheikh Mohamed Lemine, pour Sidaty
Wul Hammadi… Quelque part par là, on raconte l’épopée d’Ehl Lemhaymiid, la
chefferie qui a pu fédérer Meshdhouf, l’une des plus grandes tribus du Traab el
Bidhâne.
Ce
soir, c’est ‘Aala Wul Dendenni qui tente d’animer la soirée, faisant vibrer l’assemblée
aux sons de ses accords parfaits et avec une voix qui fait la particularité de
la famille Ehl Dendenni. Douceur, mélancolie, méditations…
Autour
de lui, quelques jeunes – et moins jeunes – de la ville (synonyme «rat de ville»).
Des cadres des mines, d’autres de l’administration, des journalistes…
pratiquement toute l’équipe des séminaires organisés par le Comité national de l’ITIE
en Assaba et dans les deux Hodh’s.
Certains
essayent de jouer aux poètes en déclamant des anciens poésies amoureuses,
nostalgiques et/ou guerrières. D’autres sont carrément des poètes et le
prouvent en improvisant. De quoi nous rassurer sur cette culture bidhâne qui n’est
pas près de mourir tant que des jeunes prennent goût à l’entretenir, à l’exercer
et à la réinventer. Merci Abaya…
Il
joue un «shawr» composé par son père, le virtuose Ahmed Wul Dendenni, alors qu’il
était dans le train reliant Khayes à Dakar. Ici il s’était trouvé en face d’un
griot mandingue qui avait une kora et qui la jouait merveilleusement bien. Ils commencèrent
chacun à narguer l’autre. De leurs échanges, une belle partition est née. Elle est
encore jouée par ‘Aala…
Nuit
inoubliable, nuit bidhânesque en ce qu’elle allie de passé et de présent, de
nostalgie et de plaisir immédiat, de tristesse et de rire…