Il
était habillé sobrement : un boubou passablement terni, une chemise rose
manches longues, des chaussures de grande qualité… Il s’est assis face à moi
dans la salle d’attente d’un haut responsable politique de la place. On ne se
connaissait pas, on se tournait donc le dos (en fait le regard).
Son
téléphone sonne. «Wanni, wanni… ah, bon ? sur la chaine Al Alam, la chaine
iranienne ? ah bon ? Je n’ai pas vu, mais je sais que c’est une
chaine très sérieuse. D’ailleurs il y a quelque chose qui ne tient pas. Je vais
prendre pour toi toutes les informations et te rendre compte. Mais je peux te
dire d’ores et déjà que les médecins français qui l’ont traité ont
effectivement exprimé beaucoup d’inquiétudes. Ça, gaa’, je le sais par une
source digne de foi qui était à l’hôpital Percy… ah bon ? ils ont dit
l’hôpital américain ? donc à l’hôpital américain, c’est là-bas qu’il s’est
soigné… en tout cas les médecins disent qu’il est irrécupérable… non, ne t’en
fais pas, je te donnerai l’information exacte, mais saches que tu dois être certain
qu’il est mal en point…»
Est
parti ainsi cette rumeur concernant des révélations qui auraient été faites sur
cette chaine que peu, très peu, de Mauritaniens regardent. Une chaine qui n’a
aucune prédisposition particulière à être plus informée que les autres et
surtout pas que les Mauritaniens.
De
retour ici, je me rends compte combien le pays a été secoué par les folles
rumeurs de samedi dernier (27/10). Coup d’Etat, incapacité du Président,
réunion du Conseil de sécurité… mais quel «conseil de sécurité» ? qui
décide de l’incapacité du Président ? le Conseil constitutionnel ?
qui dirige en son absence ?
L’esprit
critique aurait permis à chacun de nous de faire les conclusions qu’il devait
faire. Il n’y a pas de conseil de sécurité en Mauritanie. Si on me dit que
l’Etat Major est encerclé, je vais voir ce qu’il en est. Si on me dit qu’un
autre lieu est encerclé par des forces spéciales, je m’en vais contrôler. En
Mauritanie tout peut être connu si l’on veut. Mais veut-on vraiment ?
Je ne pense pas pour ma part. Comme je le répète
depuis des années, la vérité n’est plus l’objet de quête. La précision non
plus. C’est ce qui explique le règne de la rumeur. On en vit désormais. Mais
avec elle, nous perdons du temps et de l’énergie. D’abord à savoir comment, ensuite
à savoir pourquoi…