Demain
les classes rouvriront leurs portes. Sans qu’il y ait eu l’ombre d’une réforme.
Nous savons cependant que des Etats généraux ont eu lieu au niveau des régions.
Quels résultats, quelles perspectives ? On n’en sait strictement rien.
Tout le
monde est d’accord pour dire que les problèmes de la Mauritanie sont d’abord
ceux du système éducatif. Qui n’a pas pu être le moule formateur, unificateur,
normatif de la société.
En
1979, une réforme improvisée est adoptée par les militaires de l’époque. Elle
fait suite aux événements provoqués par l’application «incongrue» d’une
circulaire – dite 02 – et par laquelle le ministère a décidé, en pleine année
scolaire, de revoir à la hausse le coefficient de certaines matières, l’IMCR notamment
et de les introduire au baccalauréat de la même année. La Mauritanie qui vivait
un reflux des idéologies progressistes unitaires, connaissait alors une
résurgence des nationalismes sectaires et chauvins. La circulaire 02 alimentera
la contestation des scolaires négro-africains et permettra de cristalliser
encore plus l’opposition entre les deux versants du nationalisme mauritanien
(arabe et négro-africain).
Aveu
d’impuissance, le Comité militaire nomme une commission composée principalement
des deux courants. Résultat : la réforme qui va consacrer la division du
pays avec une école dite «bilingue» où l’on retrouve essentiellement les
négro-africains, une dit «arabe» où l’on retrouve les arabes. De 1979 à 1999,
des générations de Mauritaniens vont évoluer parallèlement, ne parlant pas la
même langue, ne se frottant pas entre eux, ne se connaissant pas, subissant
cependant les mêmes aléas d’un système éducatif en perdition. Baisse des
niveaux, absence de programmes, déresponsabilisation des enseignants et des
familles, désengagement du public et prolifération du privé… Le système
éducatif consacre la faillite du système de gouvernance que les Mauritaniens se
sont choisi. Il a pour conséquence immédiate la détérioration des rapports
intercommunautaires en plus de son incapacité à répondre aux exigences de la
Modernité.
Deux
soucis majeurs vont guider les décideurs. D’abord celui de finir l’année
scolaire sans heurts. L’objectif de chaque responsable – du directeur au
ministre – est de passer l’année sans grève, sans mouvement. Ce qui explique la
longévité d’un Hasni Ould Didi (près de onze ans) et l’instabilité qui a suivi
(en moyenne un ministre tous les ans).
Le
deuxième souci fut celui de la quantité. Il fallait afficher un taux de
scolarisation porteur pour permettre aux financements de continuer. Et c’est là
où la Banque Mondiale est arrivée avec son «Projet éducation» qui a été une
catastrophe pour le pays. Rien que parce qu’il va privilégier la quantité sur
la qualité. Cela procède d’une approche qui voudrait que les populations comme
les nôtres n’ont pas vraiment besoin de
connaissances académiques de haut niveau, l’essentiel étant de savoir lire et
écrire, peut-être de former aux métiers. La recherche de la quantité va donner
la pléthore qui se traduit aujourd’hui en termes de chômage, d’incompétence des
sortants de notre système…
La
sécurité et la recherche de la quantité ne peuvent inspirer la mise en place
d’un système éducatif efficient. En 1999, et sur un coup de tête, le Président
Ould Taya, alors qu’il était dans une tournée à l’intérieur, décide de rétablir
le bilinguisme : une seule école pour les Mauritaniens, des matières
scientifiques enseignées en Français, les autres en Arabe.
Sans
préparation, on se lance sur cette voie. Les élèves de ce système ont fait le
baccalauréat l’année passée. Sans jamais avoir eu les enseignants qu’il faut,
ni les livres qu’il faut parce que jamais les programmes n’ont été élaborés
pour cette nouvelle réforme qui n’est pas cependant contestée dans son fond. Ne
serait-ce que parce qu’elle remet les enfants mauritaniens dans les mêmes
classes.
Est
donc lancée l’idée des Etats généraux de l’éducation. On ne sait pas ce qu’elle
va donner. Cela fait trois ans qu’elle est en marche. Et plus ça dure et plus
ce sera difficile de sauver ce qui peut l’être.