Au
lendemain de cette interview (mardi 25/9), le parti Tawaçoul nous invite à une
conférence de presse où l’on nous promet «du nouveau». Quand on arrive, le
Président Jemil Mansour explique qu’il s’agit de présenter les conclusions de
la dernière réunion du bureau politique du parti. Discours habituel conclu par
la fameuse exigence du départ du Président Mohamed Ould Abdel Aziz. Rien de
nouveau, cependant quelques remarques.
A
un moment donné et après avoir dressé un tableau noir de la situation
économique, politique et social du pays, Ould Mansour emprunte un passage du
Khalife Ali Ibn Abi Taleb pour exprimer son étonnement devant l’attitude de «celui
qui passe sa nuit sans manger et qui s’abstient le lendemain de dégainer son
épée devant le monde». Ajoutant qu’ils ne veulent pas de l’épée mais simplement
qu’il «dégaine sa langue». Et prenant exemple du peuple jordanien qui a
manifesté contre la hausse des prix des hydrocarbures a obligé le Roi à revenir
sur la décision, il conclut : «un peuple qui n’exprime pas ses
souffrances, est sans avenir». Et si le peuple mauritanien ne souffrait pas au
point que le Président de Tawaçoul décrit ? et s’il avait choisi de
souffrir en silence ? et s’il refusait aux acteurs politiques parmi
lesquels il reconnait les bourreaux, les fossoyeurs de son économie, les
prédateurs… et s’il refusait de suivre ceux-là ? et si ceux-là n’ont pas
pu lui servir le discours qu’il faut, le processus qu’il faut ? Simplement
pour dire que ce n’est pas au peuple mauritanien qu’il faut s’en prendre, mais
certainement à son élite qui n’a pas pu le convaincre.
«A
dit vrai celui qui a affirmé qu’il s’agit là d’une guerre par procuration…» En
disant ces mots, le Président de Tawaçoul a oublié – ou ignoré – nos morts à
Lemghayti, Tourine, Ghallawiya, Tevraq Zeina, l’assassinat et l’enlèvement d’étrangers
sur notre territoire. C’est comme si ce n’était pas le GSPC devenu depuis AQMI
qui a déclaré la guerre à notre pays. C’est comme si la Mauritanie perturbait
sans raison la quiétude des groupes terroristes installés dans le Nord malien. Et,
last but not least, l’expression nous vient de AQMI qui l’a utilisée pour
fustiger la position de la Mauritanie. Par ailleurs, peut-on penser à la
situation en Mauritanie si la stratégie de l’Armée mauritanienne n’avait pas
réussi à éloigner la menace et à sécuriser le territoire national ? Un
fait est incontestable : AQMI se tient aujourd’hui loin des frontières
mauritaniennes, ne recrute plus de Mauritaniens et n’envoie plus de soutiens
financiers à ses éléments installés ici. Elle évite de menacer directement les
intérêts mauritaniens, est-ce un signe de force ou de faiblesse et pour qui ?
Un
paragraphe de cette «kharja» (sortie) a été réservée à la campagne anti-islamique
(film américain, caricatures de Charlie Hebdo). La position du parti est bien
sûr celle de la condamnation et du désaveu. Mais quand il s’est agi de manifester ce
désaveu dans la rue vendredi dernier, on a été surpris par l’absence totale de
l’élément Tawaçoul. Moins de 150 personnes sont sorties ce jour-là dans la rue.
On ne peut pas douter de l’engagement du parti encore moins de la disponibilité
des Mauritaniens à se mobiliser pour une telle cause, mais il faut peut-être
penser à une attitude générale des Frères Musulmans qui tentent de «normaliser»
avec l’Occident. On les a vus en Egypte et en Tunisie appeler à s’opposer
farouchement aux manifestations, sous prétexte il est vrai qu’elles sont
animées par les Salafistes (les frères ennemis) qui pourraient donner une image
non conforme des nouveaux pouvoirs.
Ces
pouvoirs issus du «printemps arabe» et qui ne semblent pas satisfaire les
espoirs «démocratiques» avec toutes les dérives qu’on voit. Car le discours
conciliateur et raisonné de l’Islamisme «modéré», celui dont Tawaçoul se
réclame, cache mal, très mal, tout le capital de violence et d’obscurantisme
qui trouve son explication dans l’exercice continu de l’arbitraire sous nos
cieux, et qui reste prêt à exploser dans les parages immédiats des formations
islamistes «modérées». On a toujours deux visages de cet islamisme conquérant :
un posé, civilisé, tolérant et raisonnable et, derrière, toutes l’intolérance,
la bêtise, la vulgarité qui nourrissent l’obscurantisme qui guette, prêt à
faire surface.
On ne saura pas de sitôt lequel des visages est le
vrai visage de cet Islamisme activiste, parce que les relectures politiques ne
suivent pas celles des exégètes.