Cela s’est passé à Benghazi, cette ville que l’OTAN a utilisée comme
prétexte pour détruire le régime de Kadhafi en donnant «un coup de main» à la
rébellion. C’est bien pour sauver Benghazi des troupes «barbares» que les pays
du Traité atlantique ont dit entreprendre leur entreprise guerrière en Libye.
C’est ici que les célébrations du 11ème anniversaire des attentats
du 11/9 ont été les plus meurtriers pour les Américains, chefs de file de l’OTAN.
Dans la matinée du mardi 11 septembre, sous prétexte – il y a toujours un
prétexte à tout – de protester contre la diffusion d’un film insultant pour la
foi musulmane, un groupe armé est entré dans le Consulat américain de Benghazi.
Comme par hasard, l’Ambassadeur Chris Stevens se trouvait là en compagnie de
nombre de ses collaborateurs. On se souvient du visage sympathique de
l’Ambassadeur du temps où il faisait des spots pour expliquer sa mission aux
populations. L’attaque va emporter avec lui trois autres américains dont un
diplomate et deux Marines.
L’attaque intervenait quelques heures avant l’élection d’un nouveau chef de
gouvernement par le nouveau Parlement libyen. Elle a joué sans doute dans
l’élection du candidat islamiste, l’opinion cherchant en eux le meilleur
bouclier anti-jihadiste. Parce que l’attaque est bien le fait des Jihadistes,
probablement ceux du groupe Ançar Echari’a (les soutiens de la Chari’a). Elle
pourrait être une réponse – tardive peut-être, mais une réponse quand même – à
la liquidation du numéro deux d’Al Qaeda, Abu Yahya Alliby, chef charismatique
auquel plusieurs factions libyennes vouent respect et allégeance. Si cela se
confirme, cela met l’administration américaine dans un pénible dilemme.
Le Président Obama est en pleine campagne pour une présidentielle de tous
les risques. Si la réponse n’est pas ferme et surtout immédiate, tous ses
espoirs de réélection pourraient être compromis. Si, par contre, la réaction
est prompte et si elle répond aux attentes – expédition punitive et meurtrière
contre le groupe qui a organisé l’attaque -, cela pourrait servir sa campagne.
Comment faire alors que les amis libyens n’ont pas les moyens de livrer les
auteurs du crime ? Comment faire surtout si l’on sait que la partie
libyenne ne peut rien entreprendre contre les groupes armés concernés qui ont,
eux aussi, leurs assises tribales, leurs cercles d’influence, leurs poids au
sein des structures dirigeantes… ?
Toute attaque américaine compromettrait sérieusement les équilibres déjà
fragiles en Libye. Et ouvrirait la voie à toutes les fractures de la Libye de
l’après Kadhafi.
Pour rappel, la première guerre outre-Atlantique menée par les Etats-Unis
après leur indépendance fut celle dite de «la Tripolitaine». Quand en mai 1801,
ce territoire exigea des Etats-Unis d’Amérique un impôt de 83.000$, plus que la
somme habituelle payée en contrepartie de la protection de la flotte américaine
contre la piraterie souvent soutenue par les autorités elles-mêmes. Le refus
américain décida le Pacha à déclarer la guerre aux Américains qui
s’empressèrent de bloquer le port de Tripoli. Ils connurent un premier revers
avec la destruction de la frégate «Philadelphia» et la prise en otage de son
équipage dont le Captain William Bainbridge. Ce qui donna lieu à une guerre qui
dura entre 1801 et 1805 et qui se termina par un accord revenant à la situation
ante et au paiement d’une rançon de 60.000$ pour les prisonniers.
Les souvenirs de cette époque
sont toujours présents dans l’esprit des faiseurs de guerres comme ceux du
Pentagone. Tout comme les images des ambassades américaines de Beyrouth et de
Téhéran dans les années 70… dur, dur...