Laurent
Fabius, le ministre français des affaires étrangères sera dans quelques jours à
Nouakchott. Une étape dans une tournée qui le conduira dans certains pays de l’Afrique
de l’Ouest. Laquelle tournée aura pour objet la situation au Mali.
L’étape
de Nouakchott est particulière dans la mesure où la Mauritanie est le seul pays
de la zone sahélienne à avoir engagé une guerre réelle contre Al Qaeda au
Maghreb Islamique (AQMI), l’acteur principal de la déstabilisation du Nord
malien.
Subissant
les attaques de la nébuleuse terroriste, la Mauritanie a décidé, à partir de
2009, de réorganiser ses forces armées pour faire face à la menace. Des unités
spécialisées dans la lutte contre les groupes armés venant du Nord malien, ont
été créées. Légères, bien équipées et bien préparées, ces unités sont appelées «GSI»,
groupe spécial d’intervention. Bénéficiant d’une autonomie complète, elles ont
acquis une grande expérience sur le terrain qu’elles parcourent depuis bientôt
trois ans (le premier GSI a été opérationnel en 2010). Une nouvelle unité de ce
corps d’élite est en train d’être montée avec, cette fois-ci, le concours des
Américains qui ont longtemps hésité à appuyer les Mauritaniens dans leur
effort.
En
effet, les Américains, les Occidentaux en général, avaient plus confiance à l’Armée
malienne et à ses capacités à faire face pour «nettoyer» son territoire. L’essentiel
de l’aide allait aux Maliens.
Les
événements de cette année devaient amener les partenaires à changer d’approche.
Il est clair aujourd’hui que l’option mauritanienne était la meilleure. Qu’en
tout cas, si la communauté internationale, y compris les pays du champ (Mali,
Niger et Algérie) avaient suivi, la menace aurait été éradiquée sans grand prix
à payer et à temps. Cela se serait fait avant toutes ces complications qui ont
pour premier résultat une organisation qui a un territoire et qui a multiplié
par cent ses capacités de nuisance.
Tout
comme les Américains, les Français avaient aussi hésité même s’ils avaient été
la première cible de l’activité terroriste. Il leur a fallu du temps, beaucoup
de temps, pour comprendre que le Mali perdait inexorablement le Nord par la
faute du laxisme et de la corruption de l’Appareil d’Etat.
Seuls
les Mauritaniens peuvent aujourd’hui garder un semblant de calme malgré les
menaces. En effet, les combattants de AQMI savent pertinemment que toute
attaque contre la Mauritanie signifiera nécessairement une contre-attaque. Ils ont
subi la furie mauritanienne qui leur a coûté très cher. Ils savent qu’ils ne
peuvent être nulle part à l’abri face aux Mauritaniens qui ont une excellente
intelligence du terrain et de ses habitants. Si les Occidentaux,
particulièrement les Français et les Américains peuvent opérer la surveillance
satellitaire de l’activité criminelle dans la zone, le renseignement humain
reste plus précis et plus utile. Il profite largement aux Mauritaniens qui
perçoivent les populations locales (Arabes, Touaregs, Peulhs…) comme l’un de
leurs prolongements sociologiques.
Le
ministre français arrive dans un pays qui est certes «ami à la France», mais
que rien n’oblige à s’aligner sur les lectures hexagonales de la situation dans
notre aire sahélo-saharienne. Les deux pays sont certainement d’accord pour s’opposer
à toute partition du Mali. Comme ils doivent être d’accord sur la nécessité d’éradiquer
l’activité criminelle de cet espace. Mais sur la manière et les moyens à
utiliser, il y a beaucoup à discuter.
«On va verra»… comme disait un ancien auxiliaire de l’administration
mauritanienne.