Je
partage avec vous, lecteurs du blog, l’éditorial de la semaine dernière :
«Un
vieux gros camion tombe en panne sur la route Nouakchott-Akjoujt. Au beau
milieu de la chaussée. Personne ne pense à signaler sa présence. Pourtant il
est à moins de cinq kilomètres d’un poste de gendarmerie. Personne non plus ne
pense à le dégager. Trois semaines qu’il est là. Finalement ce qui devait
arriver – et qui est déjà arrivé sur toutes les routes de Mauritanie –
arriva : une voiture percuta de pleine fouet le monstre qui semblait avoir
ouvert sa gueule ici pour avaler des vies.
Cinq
jeunes dont le plus âgé avait trente-cinq ans. Ils ne savaient pas que la
négligence du propriétaire du camion, de la gendarmerie, des passants… leur
avait tendu un piège mortel. Il suffisait de rouler la nuit sans savoir qu’au
beau milieu de cette route il y avait là un bloc d’acier. Tous décapités.
L’horreur.
Quelques
heures avant, moins de 24 heures, c’est une famille qui est victime de la
négligence d’un camionneur. Sur la même route. Ce ne sont malheureusement pas
les premières victimes du mauvais état des camions, de la mauvaise conduite des
camionneurs, de la négligence des autorités qui laissent rouler, s’arrêter où
ils peuvent – parfois où ils veulent – les camionneurs… Elles ne seront pas non
plus les dernières victimes tant que…
La
mafia des camionneurs défie les lois et ne respecte aucune norme. Tant que les
postes de police, de gendarmerie, de douanes, des eaux et forêts qui pullulent
sur les routes de Mauritanie, tant que ces postes remplissent plus et mieux
leur rôle de péages que celui de contrôle. Tant que les fédérations sont plus
puissantes que l’autorité. Tant que l’autorité est au service des fédérations
de transports… tant que la situation est la même, on ne peut pas espérer moins
de morts sur les routes mauritaniennes.
L’année
dernière, pratiquement à la même période, tout le monde s’émouvait. Les
responsables du ministère des transports, la police, la gendarmerie et même le
tout nouveau Groupement routier, tous prenaient la parole à la télévision
nationale et promettaient de faire baisser le nombre des morts et des blessés
sur les routes. Pour ce faire, tous s’engageaient à «prendre les mesures
nécessaires». Des mesures qui commencent par la mise aux normes des usagers de
la route. Rien depuis n’a été effectivement fait.
Pas
de visite technique, le contrôle est toujours laxiste, aléatoire et sans
conséquence autre que celle qui ne va pas dans les caisses de l’Etat, pas de
sensibilisation sur les routes… juste des postes de prélèvement de quelques
tributs tantôt levés au nom de la nouvelle autorité de régulation des
transports, véritables BNT restauré, tantôt au profit des commissariats et des
brigades.
Il
est vrai que la fois passée, l’émoi «officiel» a été provoqué par une
intervention du Président de la République sur le sujet en plein conseil des ministres.
Doit-on attendre une nouvelle prise de parole sur le sujet par le Président
pour voir à nouveau les autorités concernées bouger ?
Bien
sûr. Ici rien n’est fait si le Président lui-même ne le provoque pas. Il est
facile, comme font les responsables actuels (ministres et autres), d’invoquer
la «centralisation excessive de la décision», parce qu’elle couvre parfois
l’incompétence, parfois l’inconscience, souvent l’irresponsabilité.
La
mort de ces jeunes, tout comme celle d’autres plus jeunes et moins jeunes, la
mort de toute personne sur les routes mauritaniennes est imputable aux
autorités concernées par le contrôle routier, l’entretien routier, la sécurité
routière… à tous les intervenants dans la gestion du secteur des transports.
Le
camionneur ayant laissé son monstre sur la route tout ce temps et sans
signalisation doit être poursuivi pour homicide involontaire, le poste de
gendarmerie doit poursuivi pour incompétence, la fédération pour complicité de
meurtre…
Cela peut paraitre excessif, mais jusqu’à quand allons-nous
continuer à subir les effets conjugués de l’incompétence et de
l’irresponsabilité ?»