Ce
matin, il est difficile de se rendre à Tékane (soixantaine de kilomètres à l’est
de Rosso). Le poste de police à la sortie de Rosso vous oblige à présenter
votre carte d’identité et à attendre un moment. Le jeune policier explique
poliment : «Nous devons prendre l’identité de toute personne qui va à
Tékane, la retenir ici le temps de rendre compte au commissaire et attendre qu’il
nous dise de vous laisser passer»… Révoltant.
L’explication
donnée ne vaut pas. On nous dit la crainte des autorités de voir éclater des
affrontements à l’occasion de l’évènement qui nous amène : l’inauguration
d’une nouvelle mosquée. A la base, le conflit entre deux familles de Tékane :
les Sy, marabouts du Toro, gardiens de la tradition et la bibliothèque de la
ville ; les Kane, seigneurs politiques et militaires, dépositaire de la
réalité du pouvoir. Les premiers refusent le projet de création d’une nouvelle
mosquée, de peur d’éclipser l’ancienne. Les seconds pensent plutôt que la ville
a connu un afflux de populations qui fait que l’ancienne mosquée ne peut plus
contenir les pratiquants et qu’elle ne peut être agrandie pour raison de manque
d’espace de développement.
Le
problème est resté dans l’ordre de la polémique autour de la possibilité d’avoir
deux mosquées ou plus dans une même agglomération. Jusqu’au moment où le
ministère des affaires islamiques s’en est mêlé. Prenant parti pour la thèse
des Sy et refusant aux Kane de procéder à l’inauguration officielle de la
nouvelle mosquée. La décision a été prise trois jours avant la date prévue pour
l’évènement. Et pour justifier cette prise de position inappropriée, le
ministre est intervenu en personne pour sonner le tocsin de la tension…
Pourtant
rien de tout ce qui a été dit ou fait ne mérite tant d’appréhensions… ce sont
les autorités qui ont raté de merveilleux moments de communion et de leçons de
vie.
«Ce
qui est fait renseigne forcément sur celui qui l’a fait», dira el Haj Thierno
Nourour Bâ, Imam d’une ville du Sénégal dans un grand plaidoyer pour la
solidarité, pour les valeurs humanistes islamiques…
De
tout le Fouta son arrivés chefs religieux et Imams pour saluer l’évènement. Le temps
de louer et de mettre en exergue les bienfaits du Créateur, les enseignements
de son Messager, le Prophète (PSL), des Cheikhs Ahmed Tijane, d’El Haj Oumar El
Fouty, d’El Haj Malick Sy… de toute cette tradition qui fait de cette terre, un
havre de paix, un centre culturel dont le rayonnement spirituel a illuminé
au-delà du Sahel et du Soudan.
Rappelons
que la nouvelle mosquée a été construite sur financement de l’ancien ministre
des finances, ancien Gouverneur de la BCM, Ousmane Kane. L’action de ce mécène
a déjà permis l’équipement et la rénovation d’une mosquée à Nouakchott.
«Mon rôle s’arrête à la construction et à l’équipement,
après je remets les clés à l’Imam et c’est lui qui va gérer les locaux selon
les préceptes consacrés». L’Imam ici est Ahmed Sy, secrétaire général de l’association
des Imams du Trarza.