«Je
m’engage et j’engage les femmes qui sont là à donner à son Excellence Monsieur
le Président Mohamed Ould Abdel Aziz (les majuscules traduisent l’emphase
dans la voix, ndlr), les 52% que nous lui avons donné pour son premier
mandat, à les lui donner pour le mandat qui arrive, celui qui le suit, et un
autre et un autre…»
Ce
sont les termes utilisés par la présidente de la commission des femmes de l’UPR
(parti au pouvoir) et qui se trouve être Inspectrice Générale de l’Etat (IGE),
organe de contrôle et d’inspection. Si je les reprends, c’est pour ce qu’ils
comportent de promesses «anticonstitutionnelles», vu que la Constitution ne
prévoit que deux mandats. Je sais par ailleurs qu’il s’agit d’un abus de
langage, d’un excès de zèle qu’occasionnent en général ce genre de
rassemblements où l’on doit improviser des positionnements que l’on assume mal.
C’est
valable dans le camp d’en-face où les excès de langage et de positionnements
viennent du fait que nos élites connaissent mal ce qu’elles veulent, assument
mal ce pour quoi elles roulent. Et, plus grave, elles ne font jamais attention
à la portée et aux effets de ce qui est dit. Peut-être parce que, pour notre
élite, les discours de positionnements n’empêchent rien par la suite et ne portent
pas à conséquence. On pratique la politique en utilisant des vases communiquant.
On passe facilement d’une position à celle diamétralement opposée, sans effort d’explications
ou de justifications.
Les
expériences vécues dans le pays depuis 1991 sont très présentes dans les
esprits. Les trahisons, les retournements, les soutiens passagers, les
oppositions occasionnelles… des ingrédients que nous connaissons. Pas grand-chose
n’a changé. Les acteurs sont à peu près les mêmes, les tactiques et les
approches aussi.
Mais
pour revenir à cette manifestation (monstre) d’hier, à quoi sert-elle ?
Sinon à faire la démonstration qu’il y a un malaise au sein de la Majorité. Lequel ?
Les
appels «dégage !» n’expriment même pas un ras-le-bol de la population. A peine
si ce n’est pas une tentative d’entretenir une tension permanente qui pourrait
participer à pourrir la situation au moins sur le plan psychologique. Sur ce
plan, l’opposition dite «radicale» arrivait à un point de non retour : ne
pouvant faire «dégager» le régime ou maintenir le même niveau de mobilisation
populaire autour d’un discours dont on n’a pas les moyens, on la voit mal
passer à la situation de partenaire de ce pouvoir qu’elle a accusé de tous les
maux. Même si par ailleurs, nous ne serons pas à un retournement près…
Le
pouvoir quant à lui a l’expérience des soutiens de ses prédécesseurs. Ceux qui
le tiennent sont les premiers à savoir que ce n’est pas sur ces rassemblements
qu’il faille compter en cas de difficultés. Heureusement d’ailleurs qu’il n’y a
pas de difficultés du genre à nécessiter la mise à l’épreuve de ces soutiens.
Ould
Abdel Aziz a été élu essentiellement par les populations démunies des
bidonvilles, des Adwabas, des régions rurales reculées… Il avait refusé la
plupart des appuis venant des intermédiaires politiques traditionnels et
préféré s’appeler «le Président des pauvres». C’est à eux de dire si oui ou
non, il a tenu cette promesse.
La
question est cependant de savoir si ce sont les pauvres et démunis de
Mauritanie – ou de Nouakchott pour être précis -, si ce sont eux qui ont
occupé la place Ibn Abbass. Hier, ou les jours d'avant.
Alors
à quoi servent ces rassemblements, si ce n’est à perdre du temps et de l’énergie ?
Savoir perdre le temps, un sport national, une valeur partagée.