On m’a raconté qu’au lendemain du coup d’Etat de 1978, quand l’ancien
Président feu Mokhtar Ould Daddah s’est retrouvé prisonnier dans le fort de
Walata, une terrible sécheresse avait frappé cette année-là la région. Le pouvoir
central étant «pris» par d’autres préoccupations, rien ne fut fait pour atténuer
les souffrances des populations vivant pour l’essentiel de l’élevage. Alors une
«sorba» de notables se dirigèrent vers le fort pour rencontrer le chef de la
garnison qui avait en charge de surveiller les lieux. Il lui tinrent à peu près
ce discours : «Nous sommes venus vous demander de dire à celui qui a
décidé de mettre en prison cet homme et de l’envoyer chez nous, d’envoyer aussi
‘avec lui’ ce que lui nous envoyait quand il y avait des problèmes comme ceux
que nous vivons. Dites-lui de nous envoyer du millet, du blé, du lait en
poudre, des bidons d’huile, du beurre, de l’aliment de bétail, des médicaments…
dites-lui de nous envoyer tout ce dont nous avons besoin ou ce dont nous
pourrons avoir besoin…»
Quand on me racontait cette histoire , c’était pour me dire la
perception que nous avons, sous nos latitudes, de la fonction de Président de
la République. En fait, il est tout pour nous, il est l’Etat.
L’Etat qui doit subvenir à nos besoins, nous soigner, nous donner à
manger, s’occuper de nous, bref nous prendre en charge pour tout ce qui peut
nous servir. Cette conception-là est toujours d’actualité.
Chercher les origines de cette perception, c’est remonter à la
structure de la famille où le père est le chef qui s’occupe de tout. Les spécialistes
nous diront sans hésiter qu’il faut trouver là le fondement aussi de la «demande
despotique» qui caractériserait nos sociétés. Cette fameuse théorie qui nous a
fait croire que, dans nos sociétés, la demande despotique était plus forte que
la demande démocratique. Théorie balayée par l’épreuve de la réalité.
On a vu en 2006 et 2007 s’organiser les premières élections
régulières du pays. On a vu pour la première fois de notre Histoire, le taux de
participation dépasser les 70%. Alors que par le passé, la machine de fraude
PRDSienne (pour ne parler que du plus récent) n’avait pu réaliser ces scores-là
malgré le bourrage des urnes, les fausses identités qui permettaient les votes
multiples. Dans des conditions normales et parce que chacun sait que sa voix
compte, les électeurs se sont dirigés vers les urnes. En masse. Prouvant ainsi
qu’ils veulent participer et influer sur le cours du jeu politique.
C’est l’élite politique qui est restée à la traîne en refusant d’accompagner
ce désir de participer à la gestion des affaires. En refusant de concevoir une
nouvelle gouvernance pour le pays, une gouvernance qui tienne en compte l’aspiration
des populations et les donnes nouvelles. Nos hommes politiques sont toujours
dans cette perspective qui veut que les choses ne changent que par la tête. Du coup,
la course est pour la présidence, rien de ce qui est en-dessous n’intéresse. Parce
que dans la tête de chacun, le Président est tout.