C’est
lors d’un débat animé sur les ondes de MFM (Mauritanid FM) que j’ai entendu un
jeune déclarer : «Nous entendons reprendre notre révolution qu’on nous a
volée en 2005. Quand des milliers de nos Ulémas, de nos militants ont payé de
leurs vies, de leur liberté pour faire tomber le régime, et qu’un groupe de militaires
sont venus lui voler la révolution. Nous allons la reprendre…» Avant ces
propos, il se défendait d’être politique et se présentait en membre d’un
syndicat estudiantin qui n’avait d’autre préoccupation que celle d’amener à la
satisfaction des doléances des étudiants. En quelques secondes, il s’est
transformé en un leader révolutionnaire qui exigeait le départ du régime…
Nous
ne sommes pas dupes et nous savons parfaitement que l’effervescence en milieu
scolaire et universitaire est bien liée à l’agenda politique de certaines
formations politiques. D’ailleurs aucune de ces formations ne s’en cache
vraiment. Mais là où l’on n’est pas d’accord, c’est quand on veut s’approprier
ce qui ne vous appartient pas. La chute du régime en août 2005 n’est en rien le
fait d’un quelconque mouvement ou parti. Elle est le résultat d’un
pourrissement intérieur qui a d’ailleurs fait que le changement est venu de … l’intérieur.
N’oublions pas qu’au moment où l’Armée prenait le pouvoir le 3 août 2005, toute
la classe politique – à part l’APP, un peu hésitante – prenait part à un
dialogue avec le Rassemblement pour l’unité et la démocratie, le RDU de Ahmed
Ould Sidi Baba. Ce dialogue qui n’était pas direct avec Ould Taya et qui avait
pris deux semaines déjà quand le coup d’Etat a eu lieu, avait rassemblé tous
les acteurs ou presque. Ils se contentaient de cela, même si certains d’entre
eux y avaient vu une manière de les domestiquer pour les «diriger» sur le
chemin de la pénitence… Je le rappelle pour ne pas laisser nos acteurs actuels
(et futurs) trafiquer l’histoire.
…Finalement
la journée du 2 mai ne sera plus celle du lancement du sit-in permanent que
nous promettait la Coordination de l’Opposition Démocratique (COD). On avait,
bien avant l’affaire de l’autodafé de vendredi, remarqué une divergence dans les
discours des partis constituant cette coordination. Les uns n’étaient pas au
courant du sit-in, d’autres nous disaient ne pas s’associer au slogan promis (Aziz,
dégage), tandis que certains tenaient à la recrudescence et à la radicalisation
des méthodes de lutte.
En
ce 1er mai, la COD a finalement choisi de manifester sous le signe
de la protestation contre l’autodafé. Une façon de revoir à la baisse l’objectif
de la manifestation et sa nature parce qu’il ne s’agira que d’une marche et d’un
meeting. Une manière aussi de «suivre» le cours des événements, de se voir
imposer ce cours…
Finalement
l’affaire Birame aura donné un souffle à tout le monde. Au pouvoir en lui
permettant de respirer l’air de la tranquillité et du consensus. D’arrêter les
fauteurs sans avoir à s’expliquer devant une opinion publique déjà très engagée
contre eux. Les forces politiques n’ont-elles pas demandé des sanctions à l’encontre
des fauteurs ?
A
l’opposition qui trouve en cet acte, un objet de mobilisation et un prétexte
pour recadrer ses ambitions.
Il
n’y a que Tawaçoul qui semble chercher à sortir de l’état de torpeur dans
laquelle le geste de Birame a mis la classe politique qui travaillait de
concert avec lui pour en faire un cheval de bataille. Dans un premier temps, le
parti islamiste a été plutôt «circonspect» dans sa condamnation, laissant une
porte de sortie en insistant sur le fait que tout ce qui n’est pas le Texte
(coranique) et la Sunna (Tradition avérée du Prophète, PSL), était discutable. Mais,
aujourd’hui, l’une de ses figures, Ahmed Jidou Ould Ahmed Bahi est revenu sur
le sujet pour le condamner sans ambigüité. Au cours de ce meeting, le président
de Tawaçoul Jemil Ould Mansour est lui aussi revenu sur le fait pour le
condamner encore plus fermement qu’il ne l’avait fait dans sa précédente
sortie. Il a même appelé à une initiative «Nous sommes tous Malik» (Malik Ibn Anas,
le père du rite qui domine la région nord-ouest africaine). Les dirigeants du
parti ont compris qu’il n’y a pas à tergiverser… que la nuance pouvait être
très risquée dans un milieu comme le nôtre…
En
attendant le 2 mai et ses rendez-vous multiples, on ne sait plus quoi dire dans
le milieu politique.