Des
centaines de jeunes étudiants des écoles religieuses ont manifesté dans les
rues de Nouakchott pour protester contre l’autodafé organisé par Birame Ould
Abeidi, hier vendredi. Ils se sont rendus à la présidence de la République où
ils ont été accueillis par le Président Ould Abdel Aziz qui a promis que le
geste ne restera pas impuni. De partout, les condamnations ont fusé. Révélant l’ampleur
du choc causé par l’autodafé, premier du genre sur cette terre.
Dans
la soirée, Birame Ould Abeidi sera arrêté par la police. Arrestation musclée,
parce que l’homme a organisé autour de sa personne une milice chargée de le
protéger. C’est cette milice qui s’en est pris à un enseignant qui se trouvait
dans les environs de la prière organisée par les amis de Birame. L’homme a été
battu, lui et sa famille parce qu’il a déclamé la profession de foi consacrée
par les Musulmans (laa ilaaha illa Allah, Mouhammad Rassoul Allah).
Cette
affaire aura des implications politiques certaines. Elle arrive alors que les
acteurs de l’opposition cherchent à conclure «bellement» le cycle de
protestations visant à obliger le départ de Ould Abdel Aziz. Même si personne
ne semble pouvoir affirmer que c’est la formule «sit-in ouvert en permanence» qui
a été retenue, le rendez-vous du 2 mai a été pris pour obliger Ould Abdel Aziz
à dégager. Rien de moins.
Fer
de lance de cette opposition, le parti islamiste Tawaçoul comptait beaucoup sur
la frange Haratine et sur la question de l’esclavage, pratiques et séquelles,
pour allumer le feu de la révolution programmée et expliquée par Mohamed El
Mokhtar Echinguitty, l’un des idéologues de l’Islamisme moderne en Mauritanie. Il
expliquait dans un article publié en janvier dernier que les forces sur lesquelles
la révolution doit compter sont au nombre de quatre : les élèves et
étudiants, les Haratines, l’opposition traditionnelle et la force islamiste
montante.
On
a vu la mobilisation des syndicats estudiantins affiliés à la mouvance
islamiste à l’ISERI et à l’Université (UNEM). On a vu aussi la constitution d’un
regroupement d’élèves du primaire contestataires. C’est ce qui a animé la rue
ces dernières semaines. Tout comme les marches et meetings de la Coordination
de l’Opposition Démocratique composée essentiellement de «l’opposition traditionnelle»
(à Ould Taya). Tawaçoul est vraiment à la pointe du radicalisme face au pouvoir
en place. Ne restait donc que la force Haratine, celle qui devait constituer la
chaire à canon, au moins l’avant-garde de cette révolution.
Birame
Ould Abdeidi et son organisation IRA ont été adoubés par la mouvance islamiste
pour servir de catalysateurs de la frange dont les frustrations et les misères
sont à instrumentaliser pour donner une dimension sociale à la révolution. Nonobstant
quelques clashs qui ont opposé Ould Abeidi à certains symboles de la mouvance,
notamment le Cheikh Ould Dedew, les dirigeants de la mouvance ont continué à
espérer pouvoir s’appuyer sur l’IRA. Des éléments ont même été envoyés en
renfort et comme pour accompagner et encadrer le mouvement.
Le problème aujourd’hui, c’est qu’en brûlant des
ouvrages islamiques à la base de l’idéologie fondant le rite malékite pratiquée
en Mauritanie depuis les Almoravides, l’organisation de Ould Abdeidi se met sur
le dos tous les segments de la société mauritanienne.
Quelle que
soit le positionnement social, aucune frange sociale ne peut rester
indifférente à un tel acte. Aucun parti, fut-il Tawaçoul (surtout Tawaçoul), ne
peut se dérober devant l’opinion publique. Chacun étant obligé de prendre position
et de dénoncer. En dénonçant, ils justifient les mesures prises à la suite de l’autodafé.
En prenant la défense de Ould Abeidi, ils bénissent son acte. Drame cornélien…
que devra supporter la COD et surtout Tawaçoul… et qui aura des conséquences
sur la scène politique.