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mercredi 28 mars 2012

Manque de réalisme

Nous avons espéré, après tout ce qui s’est passé ces dernières années, être en présence, sur notre scène nationale, de partenaires politiques. Nous avons eu pour un temps des adversaires politiques. Maintenant nous avons des ennemis politiques.
Nous sommes donc passés d’un stade où les protagonistes pouvaient s’accorder sur un minimum, à celui où ils sont divergents sur tout pour arriver à celui où ils sont prêts à se tirer dessus.
L’intérêt du pays et sa situation fragile, les exigences quant au raffermissement de la démocratie, les rapports de force objectifs et, pour terminer, le parcours des forces politiques, tout cela aurait pu dicter au personnel plus de candeur, plus d’humilité, moins de relents guerriers. Ce fut le contraire.
Nous sommes tous d’accord que la Mauritanie est fragile. Ses équilibres sociaux le sont. Son niveau de développement l’est. Ses structures étatiques modernes le sont… Nous sommes d’accord pour dire que la gestion catastrophique de ces dernières décennies a encore fragilisé le pays. Et chacun de nous – au moins de ceux parmi nous qui crient le plus fort – le répète : la Mauritanie ne supporte pas de secousse. La première exigence aurait été, pour les politiques, la recherche de la stabilité et de la cohésion sociale. Est-ce le cas ?
Une démocratie tourne autour de quelques fondements : la liberté d’expression, la liberté de rassemblement, la garantie du respect des valeurs citoyennes d’égalité et de justice (d’équité aussi), le respect scrupuleux des textes et des institutions, l’exigence de l’expression du pluralisme politique, culturel… Elle n’est pas donnée, elle est acquise.
Pour un pays comme le nôtre, où l’évolution politique s’est faite par blocages successifs, le processus démocratique a été le fait du Prince. En 1991, et pour échapper à toutes les poursuites concernant les graves atteintes aux droits humains et à la crise qui prévalait, le pouvoir de l’époque décide d’ouvrir l’espace politique public. Le pluralisme est institué par un référendum constitutionnel boycotté par l’opposition dite «démocratique». Ce qui ne l’empêche pas d’en profiter quelques semaines plus tard, puis en participant aux premières élections pluralistes du pays.
Mais au lieu de saluer cette élection comme «fondement de quelque chose», l’opposition refuse de reconnaitre les résultats et boycotte les législatives qui suivent. Les institutions de la nouvelle République se font sans elle. Participation aux élections locales de 1994 et 1996 (qu’elle décide de boycotter entre les deux tours), puis boycottage de la présidentielle de 1997, puis participation à celle de 2003 et, bien avant, participation aux législatives de 2001.
Les arguments sont toujours les mêmes : quand on opte pour le boycottage, on explique qu’il n’y a pas lieu de «légitimer un processus unilatéral», et quand on y participe on dit que l’intérêt du pays, la recherche de sa stabilité et la nécessité d’occuper tous les espaces ouverts par le pouvoir, que tout cela dicte la participation.
A chaque fois, on essaye de faire oublier l’étape précédente comme si la mémoire populaire était incapable de retenir les positions des uns et des autres. Ici se situe l’un des problèmes majeurs de l’élite du pays : elle ne croit pas au progrès comme processus d’accumulation et de ce fait, elle veut tout et tout de suite. Souvent sans avoir les moyens de ses ambitions. Elle réagit aussi toujours trop tard. Elle suit… de loin (dans le temps) les événements. Ce qui fait qu’elle court toujours derrière…
Le cycle qu’on impose au pays est dangereux : d’une élection à une crise, à une élection, à une crise… plus dangereux que toutes les mauvaises gestions dénoncées jusque-là avec plus ou moins de bonne foi.
La démocratie a besoin d’une opposition forte et engagée. Le pouvoir a besoin d’impliquer la plupart des segments politiques et sociaux du pays. La survie du pays a besoin d’une convergence des efforts de toutes les parties. Elles doivent obligatoirement sacrifier une partie de leur amour-propre pour le pays, en allant vers un minimum de convergence. Ce qui peut servir le pays et la démocratie, donc le peuple. Tout cela demande du réalisme, c’est la qualité qui manque le plus par ici.