On entend peu parler de la démocratie dans les pays de la région du Golf. Quand on vient au Koweït et qu’on se frotte au monde politique et médiatique, on se rend compte qu’on est en présence d’un système démocratique authentique. Dans la mesure où il est le fruit d’une évolution intérieure qui a pris le temps de s’enraciner.
Dans les années 20 et 30, le Koweït, encore sous occupation, décide d’élire un Conseil consultatif qui a pour mission d’assister l’Emir. Puis on passe aux conseils locaux élus. Si bien que le premier acte de l’indépendance fut la rédaction d’une Constitution qui consacrait ce processus électif (1961).
Avant l’occupation en 1990, le Koweït, avec le Liban, étaient les premiers pays arabes du point de vue de la liberté d’expression et de la qualité de l’exercice des libertés. Beaucoup d’intellectuels arabes y allaient à la recherche de cette clémence vis-à-vis de la pensée libre. Le trauma de l’occupation allait faire oublier ce fait. Mais les évènements de 2010 et 2011 et l’évolution présente dans le monde arabe doivent permettre de tourner le regard vers ce petit Etat qui développe, dans le calme, une expérience assez riche.
Mercredi dernier (14/3), nous sommes au Parlement koweitien (Majliss el Oumma). Le Premier ministre, éminent membre de la famille émirale, est appelé à s’expliquer devant les élus dont la majorité s’inscrivent dans l’opposition. Il vient demander un temps pour raison d’occupations à l’extérieur (rencontres et visites d’homologues). La discussion s’enflamme puis les députés acceptent de lui donner deux semaines encore. On passe alors aux autres points de l’ordre du jour. Ici, c’est la commission de surveillance de la gestion du bien public qui demande la constitution de plusieurs commissions d’enquête : une pour auditer les comptes du ministère des affaires étrangères, une pour disséquer un contrat avec Shell, une autre pour voir ce qui retarde la mise en œuvre de la loi relative à la libéralisation de l’audiovisuel… Tout procède du consensus parce que tous sont d’accord, malgré les différences d’appartenances politiques et/ou confessionnelles, de l’utilité pour tous de telles enquêtes.
Certains députés arborent des rubans noirs, d’autres ont hissé des drapeaux noirs sur leurs pupitres. Ils entendent protester contre l’occupation du Parlement il y a quelques mois. Une occupation qui avait fait suite à un refus de l’ancien Premier ministre de répondre à une interpellation d’un parlementaire. Cet incident avait été à l’origine de la dissolution de la Chambre, de la destitution de l'ancien Premier ministre et de l’organisation de nouvelles élections qui ont donné la majorité à l’opposition – particulièrement les partis islamistes. Ceux qui arborent le noir tentent d’imposer le principe d’une condamnation de l’acte du viol de l’enceinte du Parlement de manière illégale.
La semaine dernière, les douanes sont en grève et pour ceux qui ont accès à Al Jazeera, vous n’aurez certainement pas manqué cet échange entre le ministre du pétrole qui disait que la grève n’affectait en rien les exportations, et le porte-parole des douaniers qui soutenait le contraire en disant qu’aucun produit ne peut sortir sans le visa de ses services.
Tout ça dans le calme et la sérénité. Et surtout en termes polis… à bon entendeur…