En Mauritanie, nous avons tendance à ne pas faire attention à ce que nous disons et/ou écrivons. Comme si tous nos propos ne prêtaient pas à conséquence. Une dérive qui nous est venu de l’extravagance dans nos engagements. Dans la défense de nos positionnements, dans les attaques de nos protagonistes. Tout peut se dire, tout peut se faire. D’où un manque de discernement qui marque notre élite et qui l’amène à se mettre dans des positions dangereuses, parfois scabreuses. Tout ça pour parler de ces journalistes et hommes politiques qui tiennent ces jours-ci à mêler la Mauritanie à ce qui se passe au Mali.
Utilisant tantôt une interprétation tendancieuse des propos du ministre des affaires étrangères qui a expliqué qu’il ne faut pas faire l’amalgame entre l’insécurité née des activités des terroristes d’AQMI et la rébellion animée par les Touaregs du nord malien. Utilisant tantôt l’arrivée sur notre territoire de réfugiés maliens. Quand on écrit «la Mauritanie soutient…» au lieu de «la Mauritanie accueille les réfugiés touaregs», on cherche insidieusement à installer le soupçon. Tout en sachant que la Mauritanie ne fait qu’appliquer les conventions internationales. Ils sont près de 4000 à avoir gagné le territoire mauritanien ces dernières semaines. Ils sont certainement plus à être partis pour l’Algérie et le Niger, mais on n’en parle pas beaucoup.
Comble de mauvaise foi, si vous lisez le journal – il n’y en a qu’un, ce qui n’empêche pas nos confrères de parler de «la presse malienne» - qui a accusé la Mauritanie de soutenir la déstabilisation du Mali, vous allez vous rendre compte qu’il dit reprendre la presse mauritanienne. Et si vous lisez les nôtres, ils vous disent : «la presse malienne accuse la Mauritanie de vouloir déstabiliser le Mali».
On se perd sans savoir les raisons profondes de cette instabilité annoncée depuis quelques mois. Sans savoir aussi pourquoi le Mali laisse pourrir la situation. Ni quelles conséquences cela aura sur les élections : y aura-t-il report sous prétexte qu’il est impossible d’organiser des élections dans un climat de sédition, auquel cas il faut envisager une prolongation pour ATT dont le mandat se termine ces jours-ci ? les élections seront-elles maintenues à leur date initiale, auquel cas il va falloir instaurer un minimum de sérénité et de sécurité ?
Des questions qu’il faut poser pour appréhender la situation dans sa globalité. Ensuite peut-être voir pourquoi les forces maliennes sont plus déterminées et plus combatives face à la rébellion que face au crime organisé qui a investi le nord de ce pays depuis une douzaine d’années. Voir aussi les conséquences sur les relations sociales : entre Touaregs, Arabes, Songhaïs… du nord, avec notamment la résurgence du mouvement Gandakoi dont le rôle dans les évènements des années 90 est encore dans les mémoires. Réfléchir à comment contenir les affrontements au niveau des forces armées et des rebelles et éviter que les civils soient une cible…
Aux évènements malheureux du Mali, il faut ajouter le «bouillonnement» au Sénégal qui est lui aussi porteur de germes d’instabilité pour toute la région particulièrement pour la Mauritanie. Et le vieux foyer de tension autour du Sahara Occidental qui prend une ampleur nouvelle avec la probable naissance d’un mouvement de libération du Sahara… Oriental et dont la dissidence d’AQMI dirigée par notre compatriote Hammada Ould Mohamed Khairou ne serait que le signe annonciateur.
Oui les équilibres régionaux sont fragiles, oui la Mauritanie est encerclée par des foyers de tension qui peuvent se transformer en tourbillon. Mais en quoi cela peut-il servir une cause politique qui prétend rechercher l’intérêt du pays et la prospérité de ses habitants ? ceux qui ont accrédité l’idée de la présence de «mercenaires mauritaniens» auprès de Kadhafi, ceux-là sont responsables des dommages humains et matériels subis par la communauté en Libye ?
Alors ? rester nuancé et prudent…