L’Algérie et la Mauritanie s’abstiennent encore de reconnaitre le Conseil national provisoire libyen. Même la chute de Tripoli et la fuite de Kadhafi ne semblent pas avoir raison des réticences des deux gouvernements à reconnaître le CNT. C’est pourquoi l’UMA tarde à suivre la Ligue Arabe dans la reconnaissance de nouvelles autorités en Libye.
Ce n’est certainement pas pour la qualité des relations avec Kadhafi, lequel a toujours fait souffrir ses voisins. Y compris l’Algérie qui lui doit quelques tentatives de déstabilisation au sud, en plus, très probablement d’un encouragement tacite des mouvements islamistes au début des années 90. Elle lui doit aussi de l’avoir bouté hors de ses cercles d’influence dans l’espace sahélo-saharien, africain en général. Dans cette lutte d’influence, Kadhafi avait dépensé des milliards de dollars pour avoir les faveurs de ses homologues africains.
Quant à la Mauritanie, la relation a toujours été marquée par le mépris qu’il affichait vis-à-vis du pays, de son peuple et de ses acteurs (officiels ou non). «Toz vi mouritaniya» sonne encore dans nos oreilles. Tout comme son refus publiquement exprimé de croire qu’un peuple comme le nôtre pouvait accéder à la démocratie. Et ce ne sont pas les quelques subsides qu’ils distribuaient aux acteurs politiques à l’occasion d’élections qui feront passer l’éponge.
Alors pourquoi ne pas se précipiter et reconnaitre le CNT ? D’abord cette position de médiateur au titre de la présidence du groupe de contact chargé du dossier libyen. Même si, très tôt le Président Ould Abdel Aziz a déclaré publiquement que Kadhafi était fini et que le peuple libyen devait avoir l’occasion de se prononcer. Mais dans le cadre d’un accord entre libyens. Toutes les initiatives furent torpillées (par les bombardements militaires et médiatiques des parrains du soulèvement). La solution militaire donne ce résultat qui ne veut encore pas dire la fin des hostilités : la chute de Tripoli.
La prise de Tripoli a été le fait de quelques unités armées commandées par Abdel Hamid Belhaj qui n’est autre que le frère cadet de Abu Yahya Alliby (Abu Yahya le libyen). Pressenti un moment successeur de Ben Laden à la tête de la nébuleuse, Abu Yahya a été à la source de l’allégeance du GSPC à Al Qaeda mère, acte qui a donné «AQMI» (Al Qaeda au Maghreb Islamique). Avant de rejoindre les bases de l’organisation en Afghanistan, Abu Yahya a séjourné en Algérie et en Mauritanie. Il a tissé des réseaux dans ces pays et contribué à l’embrigadement de la plupart des militants AQMI du Maghreb. C’est à son célèbre prêche de 2007 que répondent les Mauritaniens de AQMI par un non moins célèbre prêche intitulé «labayka ya Aba Yahya». C’est par ce prêche que l’on découvre Abu Anass Echinguitty qui accèdera au titre de membre du conseil de la Shura et deviendra le cadi de l’organisation. Dans ce prêche, il se félicite d’avoir «rejoint les frères algériens dans le Jihad qui est le leur», et d’appartenir «au groupe des élus qui ont choisi de mourir en vue d’instaurer un Etat islamique à la place des pouvoirs corrompus». Le prêche d’Abu Yahya Alliby avait pour titre : «La démocratie, ce totem corrupteur du monde moderne». Ce sont probablement ses disciples qui tiennent militairement Tripoli aujourd’hui. Pas de quoi plaire à Alger ou à Nouakchott.