Peu de Mauritaniens connaissent ce nom alors qu’il mérite la célébration. Mais toute la cacophonie produite à l’occasion du cinquantenaire a oublié de le mentionner dans l’histoire officielle. Alors qu’elle a célébré ceux parmi ses contemporains qui avaient milité CONTRE l’indépendance du pays…
Abdallahi Ould Oubeid est le premier maire de la ville d’Atar, député militant du Parti du regroupement mauritanien (PRM), anti-nahdiste primaire (contre le parti Nahda, nationaliste). Il a été mis en avant dans la campagne officielle visant à contrecarrer la propagande des militants de l’annexion de la Mauritanie par le Maroc. C’était à la veille de l’indépendance.
Sur le plan local, Ould Oubeid était un militant de la citoyenneté contre le notabilisme. C’est comme ça que l’histoire locale l’a retenu comme un rebelle à l’ordre traditionnel. Je vous le dit pour expliquer les premières orientations de l’enquête après son assassinat. L’administration qui était encore française, avait dirigé l’enquête vers la mouvance nahdiste, sinon les militants pro-marocains, arrêtant ici et là des agents soi-disant infiltrés de l’extérieur. Officieusement, elle a laissé courir la rumeur selon laquelle son meurtre était lié à ses engagements locaux. Et si ce n’était rien de tout ça ?
Un ami m’a rapporté les propos d’un témoin de l’époque. Il disait que, dans la perspective de l’accession du pays à l’indépendance, Abdallahi Ould Oubeid avait redoublé d’activisme. Allant jusqu’à préparer l’entrée en service de «l’ordre mauritanien». Lui, le maire d’Atar, avait signifié aux administrateurs coloniaux, aux militaires et éléments des forces de sécurité, qu’il n’était plus question d’afficher leurs pratiques dans les rues de la ville. C’est ainsi qu’il avait, à plusieurs reprises, «grondé» les chefs d’hier pour les apéritifs qu’ils prenaient sur les balcons de leurs demeures exposées aux passants. Une fois, l’un des gendarmes s’en était violemment pris à lui pour le dissuader de continuer à importuner ses compatriotes. Ce à quoi, Ould Oubeid avait répondu avec violence. On parle même d’un geste d’agression. Toujours est-il que c’est ce gendarme qui proféra des menaces précises à l’encontre de l’homme.
Quand il apprit que le député-maire était parti à Nouakchott, il aurait dit publiquement : «Je m’en occupe, je vais le liquider à Nouakchott». C’est au cours de ce voyage que Ould Oubeid est mort. Il était alors facile de mettre cela sur le dos des activistes agissant à partir du Maroc, ou laisser entendre qu’il s’agit d’un règlement de compte local.
Toujours est-il que le député-maire, décrit par feu Moktar Ould Daddah comme étant "un fervent nationaliste, débordant de patriotisme", dérangeait tout le monde. Le 8 novembre 1960, alors que venait de s’ouvrir la session de l’Assemblée nationale consacrée à la ratification de l’accord portant transfert des compétences – mauritanisation de l’autorité -, Abdallahi Ould Oubeid est assassiné dans les rues de l’ancien Ksar.
Ce témoignage apporte un nouvel éclairage à l’énigme de l’assassinat de ce nationaliste, seule «mort de l’indépendance» et qui, malgré cela n’a pas été célébré lors du cinquantenaire. Il est vrai qu’un rue à Atar, une autre à Nouakchott portent son nom mais ce n’est pas suffisant. Il est temps à mon avis de le rehausser au rang de «martyr de l’indépendance». Ce n’est que justice.