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samedi 6 août 2011

Opération «communication»


C’est un exercice périlleux que celui auquel s’est adonné le Président de la République Mohamed Ould Abdel Aziz près de quatre heures durant : être face à face à un public appelé à poser ses questions en toute liberté. Avec aussi des journalistes jouant pleinement leur rôle d’«excitateurs».
Cela lui a réussi pour deux raisons : la sincérité des propos et la spontanéité des réactions. Ce qui donnait l’impression que tout chez lui était vrai. Ce qui lui rendait aussi l’exercice facile parce qu’il n’y avait pas d’efforts à faire pour jouer un jeu de rôle. Toutes les questions ont été abordées.
Du dialogue politique : il s’est dit prêt à discuter de tout avec l’opposition. Expliquant quand même que les préalables exigés par les uns doivent constituer l’objet ou l’issue de ce dialogue. Précisant que les élections municipales et législatives prévues en octobre prochain, peuvent bien être reculées, seulement en cas d’accord politique entre toutes les forces en présence.
Sur la sécurité : il a rappelé que le pays n’est pas allé en guerre. Ceux qui disent qu’il fait une guerre par procuration veulent tromper l’opinion parce qu’ils savent que les attaques de Lemghayti (2005), de Ghallawiya (2007), d’Aleg (2007), de Tourine (2008) ont coûté très cher au pays. Si l’Armée mauritanienne traverse les frontières pour pourchasser les terroristes, c’est parce qu’ils ont l’intention de mener des opérations en Mauritanie. Rappelant l’opération de juillet 2010 qui visait à démanteler un commando qui se dirigeait sur Bassiknou, laquelle opération a fini par être montée par les bandes armées. Il a expliqué que l’objectif pour nous est de sécuriser notre territoire et nos populations.
Sur les opérations d’enrôlement des populations, il a rassuré sur les intentions qui sont tout simplement celles de monter un état civil fiable. Personne ne sera exclu ni oublié parce que le temps sera pris pour faire enregistrer tout le monde. Il a expliqué que ce n’est surtout pas pour exclure la frange négro-africaine, car, ce sont bien les régions supposées à forte dominance négro-africaine, ce sont ces régions qui connaissent les plus grands taux d’enrôlement (plus de quatre mille au Gorgol, près de cinq au Brakna, alors qu’à Néma on peine à avoir deux mille).
Sur la situation de mécontentement général qui existerait dans le pays, il a expliqué qu’il s’agit d’un constat qui n’est pas partagé. Il y a certainement la rupture avec la mal gouvernance qui a cassé le rythme de vie de beaucoup de gens, avec le tarissement des sources de l’argent facile. Il a rappelé que pour certains fonctionnaires (de la haute sphère et même de la moyenne), tout était pris en charge par l’Etat : l’eau, l’électricité, le déplacement (voiture), le train de vie… Ce n’est plus le cas. Forcément il y a des mécontentements chez ceux-là, mais ils n’expriment point l’ensemble de l’opinion et surtout pas celle des populations bénéficiaires de projets qui sont lancés grâce aux économies ainsi opérées.
Sur les prix, il a rappelé que nous subissons la crise internationale. Pour les hydrocarbures, le citoyen mauritanien paye 56 UM sur le prix de chaque litre consommé en Mauritanie car l’Etat subventionne. L’effort ainsi consenti est énorme. Rappelant les efforts faits pour subventionner les produits alimentaires de première nécessité.
Sur la lutte contre la gabegie, il a souligné qu’il ne s’agit pas pour lui d’un slogan de campagne mais d’un programme et d’une conviction. D’ailleurs tous les politiques lui avaient dit pendant la campagne présidentielle que c’était là un slogan à ne pas utiliser parce qu’il dessert. Et assuré que rien ne l’arrêtera. Il s’est défendu lui-même d’avoir des biens mal acquis et demandé aux présents de mettre à nu tout ce qu’ils savent des activités illégales de son entourage. Il a rappelé que la seule fois où il a eu à gérer pendant ses trente ans de service à l’Armée, ce sont les six mois passés à la tête du Cabinet militaire du Président Sidi Ould Cheikh Abdallahi. Il avait trouvé un budget de 1,2 milliard, avec un dépassement de 200 millions. Il avait alors baissé le budget à 900 millions et quand il avait quitté le 6 août, il avait remis plus de six cents millions de ce budget. C’est ce pactole qui a servi, quelques mois plus tard, à acheter les scanners, l’un installé à Kiffa et l’autre à Nouakchott. Il a aussi certifié qu’il n’a jamais intervenu au profit d’un quelconque opérateur. Une fois, il a dû taper sur la table parce qu’une entreprise nationale, en l’occurrence ATTM, risquait de se faire exclure d’un marché au profit d’une entreprise étrangère, par la faute d’un fonctionnaire véreux.
Sur la Libye, il a expliqué que ce qui importe à la Mauritanie, c’est le devenir du peuple libyen et non la victoire de l’un des camps. Le rôle de médiateur qu’il joue lui impose une égale distance entre les deux. Ce qui explique la non reconnaissance du CNT par la Mauritanie.
Face aux jeunes et à leurs revendications, il a déclaré que ces revendications sont bien les siennes : la liberté, l’éducation, la santé, l’amélioration des conditions de vie des populations, l’emploi, le recouvrement de la dignité… tout cela est légitime. Comme sont légitimes les manifestations aux portes de la présidence qui étaient impossibles il y a quelques années.
Sur la polémique autour de l’accord avec la société chinoise de pêche, le président a expliqué ne pas comprendre pourquoi certains font bouger ciel et terre sur un accord dont tous les termes sont rendus publics et ne comportent aucun préjudice au pays, alors qu’ils ne disent mot sur l’accord couvrant près de 250.000 tonnes de nos ressources à raison de 0,30 euro le kilogramme. Il a rappelé que les accords avec les opérateurs chinois étaient l’occasion de nombreux trafics. Dont tous les 125 bateaux appartenant officiellement à des Mauritaniens, alors qu’ils sont encore au nom de particuliers chinois. Révélant que quand il est arrivé au pouvoir, il avait découvert 15 bateaux qui pêchaient dans les eaux mauritaniennes en dehors de tout contrôle et sans autorisation. Pourquoi les militants de la cause n’en parlent pas ? Pour lui, c’est parce que ce projet qui profite à la Mauritanie, dérange une activité plus ou moins illicite qui allait dans les poches d’individus connus. "Ceux qui s'opposent à l’accord en question sont inspirés par des individus qui profitaient, à titre personnel et égoïste, de licences de pêche obscures accordées, sous leurs noms, à des sociétés étrangères, et qui ont été suspendues".
Au plan des réserves du pays, il a déclaré qu’elles s’élèvent présentement à 511 millions de dollars hors pétrole contre 165 millions en 2008 et 400.000 en 2004 et que les dépôts du Trésor dans la BCM atteignent 37 milliards d'ouguiya. Alors qu’ils étaient parfois négatifs.
Sur des questions jusque-là jugées «sensibles», le Président a répondu sans ambages, selon ce qu’il en sait. Sur des cas comme ceux de feu Ould Bouceif, il a expliqué ne pas savoir qu’il s’agit d’autre chose que d’un accident malheureux. Tout comme le cas de l’avion qui transportait le Wali de Nouadhibou en 1992 et qui s’est écrasé quelque part. Sur le cas de Rachid Mustapha, l’homme d’affaires disparu en Afrique centrale, il a déclaré que toutes les informations officielles indiquent qu’il est mort par accident. Sur feu Ould N’Deyane, il a dit qu’il ne refusait aucune commission d’enquête, mais qu’il pouvait déjà dire qu’il est mort par une munition d’un char. Qui utilisait les chars ce jour-là ? Mais il a émis quelques suspicions quant aux objectifs cachés derrière la mobilisation de certains autour de la question.
Moment d’émotion : c’est quand un membre de l’association des muets a …pris la parole, l’émotion était grande. Aidé par sa sœur qui faisait la traduction des signes, le jeune en question a expliqué la situation de cette frange de la population, et formulé des revendications de reconnaissance. Ce à quoi le Président de la République a immédiatement répondu en assurant que TVM va prendre les mesures nécessaires pour présenter des informations doublées au profit des malentendants en plus d’autres mesures qui suivront.
Moments de détente : le Président n’a pas manqué de provoquer, de titiller ses interlocuteurs sur le ton de l’amusement, ce qui a détendu l’atmosphère et présenté l’homme tel qu’il est et non tel qu’on le perçoit de loin.
En vérité, l’homme Ould Abdel Aziz s’est voulu rassurant, en communiquant sa confiance en lui-même et en l’avenir. Pour cela il lui a suffi d’être vrai et de refuser la mise en scène.