J’ai entendu hier soir le député Salek Ould Sidi Mahmoud dire sur Al Jazeera que le pays mène «une guerre par procuration». C’est une expression qui a été utilisée en juillet 2010, après le raid mauritanien contre AQMI. Pas par les partisans du député (Tawaçoul) lesquels avaient une autre approche à ce moment-là. Mais ces propos ont été tenus plusieurs fois. Assez pour interpeller ceux d’entre nous qui refusent de croire que la Mauritanie, même si elle est offensive actuellement, reste une victime. La victime d’une guerre qui lui a été imposée par les Jihadistes d’abord du GSPC, ensuite ceux de AQMI.
Le 4 juin 2005, à Lemghayti, 17 mauritaniens sont assassinés, certains froidement, par des éléments du GSPC. La garnison décimée n’avait aucune vocation guerrière. Ce qui explique le fait d’avoir reçu, la veille, les éclaireurs du groupe qui ont profité de l’hospitalité des Mauritaniens. Alors qu’ils leur préparaient nourriture et thé, les Mauritaniens ne se doutaient pas que ces «frères» étaient venus pour savoir quelle était la meilleure manière de les égorger.
Suivront les attaques de Ghallawiya avec ses trois morts, celle de Tourine avec ses douze décapités, sans oublier les assassinats de paisibles étrangers sur le sol mauritanien, et l’enlèvement d’humanitaires et de touristes.
Toutes ces attaques ont vu la participation de jeunes mauritaniens qui sont nés ici, fait leurs études dans des Mahadras ou des écoles modernes d’ici, fait un passage plus ou moins appuyé dans une mosquée de Nouakchott où ils ont été abreuvés par des prêches violents légitimant leurs actions futures. Ils sont tous connus aujourd’hui, tout comme leur cursus.
Nous aurions espéré que Lemghayti, Ghallawiya, Tourine soient sur une terre étrangère. Mais c’est bien la Mauritanie qui est blessée, qui est visée dans son existence. Pensons un peu aux effets de l’opération destinée à faire exploser des centres névralgiques de Nouakchott. Pour cela deux voitures transportant chacune 1,5 tonne d’explosifs ont été équipées dans la forêt de Wagadu et envoyées à partir de cette forêt. Depuis ce temps, AQMI cherche à établir une base dans cette forêt. La Mauritanie serait alors à une heure de route et plus le temps passait, plus les terroristes renforceront leurs positions. Le député aurait-il voulu que les éléments de AQMI préparent eux-mêmes leurs attaques, qu’ils les exécutent quand ils auront mis toutes les chances de leur côté ? Peut-être, mais le bon sens dicte le contraire…
Dire que c’est «une guerre par procuration», c’est ignorer toutes les victimes, tous les soldats morts en défendant le pays, c’est refuser à leurs parents, à leurs compatriotes de les célébrer en martyrs, parce qu’on aura fait d’eux des aventuriers, des agresseurs agissant en dehors de leurs limites géographiques, violant l’intégrité du voisin, assassinant des gens «sans peur et sans reproche»…
Pour le reste, les Maliens apportent eux-mêmes la confirmation de leur participation à l’action. Il y a quelques semaines déjà, le ministre des affaires étrangères malien déclarait qu’une action commune devait être engagée par les armées des deux pays dans la forêt de Wagadu…